Cannes. “Le Park 45”: l’heure d’Hervé Busson.

C’est une histoire de second, l’un de ces indispensables en cuisine qui préfèrent le chant des casseroles au rituel du tour des tables. A leur menu, le devoir du métier et le sens du sacrifice. Au Park 45, Hervé Busson, chef depuis janvier, possède les deux. C’est un professionnel à toute épreuve, qui s’est bonifié dans de belles brigades à Cannes, Nice ou au Cap d’Antibes. Celles de Christian Willer (La Palme d’Or), Francis Chauveau (La Belle Otéro, Les Pêcheurs), Alain Llorca (époque Négresco), puis quatre ans ici avec Sébastien Broda et l’an dernier avec Christophe Poard dans l’épisode de l’étoile perdue. Avec une exception, la direction des cuisines du Grill à L’Hôtel Eden Roc.

Mais passer premier de cordée change tout. Ce qu’on maîtrisait à l’arrière, on peut le balbutier une fois devant ou se volatiliser. Rien de tel au Park 45. Entre hiver et printemps, j’ai goûté la nouvelle carte et un épatant déjeuner «Semaine cannoise» (entrée, plat, dessert, 39 €). La tarte fine de ricotta bio au citron et lamelles de légumes croquants ? Stylée, légère, méditerranéenne. Un filet d’ombrine braisé et mousseline de pomme de terre au basilic, bon et clair. Le quasi de veau rôti à la sauge, avec premiers petits pois, asperges de Provence et ravioles au taleggio, tout en saveurs gourmandes.

Puis un dos de cabillaud demi-sel, juste rôti, encornets snackés au vinaigre de Jerez et pour vérifier qu’il n’y avait pas erreur sur une cuisson, retour à la carte avec un jarret de veau confit, parmesane de blette, écrasé de potiron, jus d’osso bucco et un dessert plein soleil, confit mandarine, mousse chocolat blanc vanille, signé encore Pascal Picasse, désormais en poste à Monaco et à qui succède la jeune Laurianne Pons.

Cà roulait droit comme on l’attend d’une gastronomie peut-être à nouveau étoilable, salle au féminin souriante et sans reproches (Stéphanie Nardot, Susanna de Matos), sommelier niçois venu de Sidney (Nicolas Frétard) parlant simple et bien des flacons à sa carte.

La nouvelle époque tranche sur les précédentes, différente de la recherche délicate de Sébastien Broda (aujourd’hui à Cognac) comme de l’imagination teintée de passion caviar (de Neuvic) pour Christophe Poard. Elle séduit sans révolution, fidèle aux producteurs locaux (Philippe Auda, Jean-Charles Orso…) et à l’influence ancienne de Francis Chauveau, mentor d’Hervé Busson : maîtrise, savoir et modestie.

Alors qu’a commencé le 72e Festival de Cannes, «Busson le discret» est désormais en haut de l’affiche et le Park 45, avec sa terrasse ensoleillée et son parc, environnement-or en retrait de la Croisette, peut lui faire confiance.