Si on remontait aux calendes de la gastronomie sur la Croisette – les années quatre-vingt – on revivrait de sacrés duels de toques (1). Aujourd’hui, elle est habitée mais sans doute moins effervescente. Avec deux macarons, Christian Sinicropi règne à La Palme d’Or (Hôtel Martinez) et au Park 45 (Grand Hôtel), celui gagné en 2010 par Sébastien Broda – désormais à Cognac – est resté indemne dans le guide Michelin.
Après un septennat Broda dans cet hôtel au luxe limpide, atmosphère années soixante et jardin collector, Christophe Poard apporte un style intéressant et singulier, comme la synthèse d’un parcours éclectique. Il a bourlingué en France et en Europe, au Schwarzwaldstube, 3 étoiles d’Allemagne, au Clos de Longchamp (Méridien Paris), à La Vieille Fontaine (Maisons-Laffitte), Taillevent, le Jamin, Le Grand Véfour, en Belgique en République Tchèque… et à nouveau à Paris (La Truffière, Ve). Voyager, s’ouvrir et se comparer, enrichit toujours.
C’est le cas pour cet explorateur, désormais en quête de Méditerranée. En mars, sa carte était, disait-il, un manège qui ne tournait pas encore comme il le voulait mais elle indiquait déjà son chemin d’étoile, jalonné d’accords salés-iodés-sucrés-osés, épatants ou déroutants. Ainsi avec des entrées de belle expression comme le tartare de boeuf fumé, caviar de Neuvic (l’esturgeon à l’accent de Dordogne !), huître de pleine mer, tuile soufflée de homard et gel de groseilles, ou les betteraves marinées et glacées au miel, glace de hareng fumé et sirop pamplemousse.
Il y avait alternance de plats ciselés, sensibles ou gourmands (délicieux coeur de ris de veau, gratin d’igname, asperge verte et grains nobles de Neuvic), une évasion en douceur – la langoustine de Bretagne avec île flottante aux amandes et bouillon de thé au jasmin – et puis un raté avec le homard bleu et le pigeon, pas cuit, sauce aux huîtres, asperges de Mallemort et caviar de Neuvic, décidément omniprésent.
Si on cherchait à tout prix une continuité, on pouvait la trouver dans les desserts de Pascal Picasse, compagnon de route de Sébastien Broda depuis leurs débuts à Biot et resté au Park, tout comme Corentin Guyard, le chef-sommelier. Le « Khéops« , moelleux chocolat-praliné, fèves de Birmanie, ou l’insolite «tiramisu des citrons », biscuit madeleine et sorbet semblaient ainsi un lien entre deux époques et mais tout à fait « Poard-compatibles » !
Décor lumineux et tendres couleurs, le Park 45 relève ce défi d’une succession, toujours délicate, au moins à ses débuts avec, en salle, une jeune équipe bien conduite par Romain Bernay, ex maître d’hôtel de La Bastide Saint Antoine de Jacques Chibois et Susanna de Matos, venue du Five Seas Hôtel (Cannes).
Ainsi prend forme le pari intéressant de Christophe Poard, créatif de la Croisette qui multiplie alliances, parfums et textures et esquisse l’identité nouvelle du Park 45 . Au fait, qu’avaient choisi, à une table voisine, le dernier Président de la République, son père et sa compagne ? Terre ou mer, artichauts bretons, caviar de Neuvic… ? Il n’y eut pas de confidence sur le choix à la carte ou les exercices de style mais visiblement, ils avaient aimé.
(1) Chibois, Willer, Duparc, Chauveau… plus tard Bruno Oger. En 1981, Jacques Chibois devient chef du Royal Gray (Hôtel Gray d’Albion), qui sera le premier restaurant de Cannes à obtenir 2 étoiles.
Infos pratiques
- Adresse : Le Park 45, 45 La Croisette, 06400 Cannes
- Tél : 04 93 38 15 45
- Menu : Formule et menu 29 et 39 € à déj. en sem. 50 € le dim. Menus 60, 95 et 190 €
- Carte : Env. 110/150 €
- Fermeture : Ouv tlj.
1 comment
Beau restaurant, c’est sur ! A tester avec le nouveau chef et la nouvelle équipe en salle. Vue sur la Croisette et la mer : à couper le souffle.