C’est son heure. Nicolas Decherchi l’attendait depuis son arrivée à L’Oasis, succédant à Alain Montigny et préparant la suite dans la période de confinements que l’on sait. La réouverture du restaurant, début juin, a mis fin à cette attente, après un temps de rénovations et de réaménagement: entrée-bibliothèque, apport d’œuvres d’art, création d’une cave à vin vitrée, boutique-pâtisserie dès l’entrée, patio et verdure, nouvel espace pâtisserie….

Dans ce théâtre de gastronomie où celle de Stéphane Raimbault a marqué son époque et restait la référence, l’ex chef deux étoiles de Paloma à Mougins, déjà à la reconquête, ouvre une page nouvelle.

Produits nobles, délicatesse, créativité nouvelle, configuration limitée à vingt-cinq couverts… j’ai retrouvé cet esprit dans ses premières cartes. L’entrée de «tomates oubliées» à la fraise, cœur coulant et brunoise croquante de Green Zebra, parfum thym citron, carpaccio mariné, était picturale, éclatante, hors sentiers battus provençaux.

J’ai moins adhéré au croque en bouche de rougets, garnis de basilic et olives de Ligurie, perchés dans une coupe élancée, accompagnés d’un aïoli citronné et piquillos, mais – goût, texture, présentation – dont je n’ai pas saisi le percutant et la finesse. Plus réussie et «signature», la marinière de homard breton, médaillons de homard confit au parfum orange-basilic et linguine, dissimulés sous un nuage d’écume au parfum de coquillage, parfait avec un Domaine Hauvette (Alpilles), cuvée Jaspe 2019, proposé par Pascal Paulze.


Puis, découpée au guéridon, la côte de veau limousin à la braise de coco, glacée au jus de moelle et duo d’artichauts violets truffés, incontestable de gourmandise.

Les desserts de Mathieu Marchand le sont aussi, clarté à croquer de la cabosse de chocolat de Madagascar fumée aux aiguilles de pin, crème glacée au chocolat, riz soufflé au caramel, et plus ciselé, le millefeuille à la rhubarbe pochée, jus épicé aux baies roses, escorté d’un Jurançon «Au Capceu» 2019 de Jean Marc Grussaute (Domaine Camin Larredy).


L’une des adresses fondatrices de la gastronomie Côte d’Azur, désormais dans la collection du Domaine de Barbossi, est ainsi en plein aggiornamento. Dans une conjoncture compliquée et alors que la demande d’authenticité s’amplifie, Nicolas Decherchi construit «son» Oasis et une relance étoilée à suivre de près.

Ses atouts : la confiance en soi, le talent sans l’aveuglement des modes, la complicité de Mathieu Marchand, le savoir de Pascal Paulze, sommelier philosophe aux vingt-cinq ans de maison. Une nouvelle page s’écrit d’un Oasis explorateur et qui ne désarme jamais.


L’Oasis, 6 rue Jean-Honoré Carle. Tel. 04 93 49 95 52. Menus 69 € (déj.), 110 et 150 €.




