Saint-Laurent du Var. Le Leedy’s en lumière

Auparavant c’était Le Moorea de Marcel Marro. Un talent pour rassembler les clientèles, notables et touristes, repas d’affaires ou moments festifs. L’enseigne rêvait d’îles, Marcel, qui tient aujourd’hui bonne table (Marcel!) et boulangerie dans le Vieux-Nice, ne jurait que par Cuba. A Saint-Laurent du Var, le port a changé et s’il ne remporte pas le prix de beauté Côte d’Azur, il a revu, en mieux,  son aménagement, design et péage compris. Le Leedy’s y a succédé au Moorea et l’emplacement demeure, sans doute le meilleur.

On peut discuter l’anglicisation du titre, un peu moins quand on connait l’histoire restauratrice du port. Ronny’s ou plutôt Rony’s Fils est l’inusable adresse aux midis ensoleillés, près de la capitainerie, tenue par Stéphane et Lydie Carles. De Rony’s à Leedy’s, il n’y avait, pour eux, qu’une courte marche. Rénové en fin d’année dernière, l’espace fait son effet contemporain avec marbres, cuirs, tables nappées, jeux de lumières, tons pastel et comme avant, pas de frontière entre salle et terrasse. Est-ce pour cela, lors de mon passage fin octobre, que l’accueil était un peu tête en l’air ? Une semaine d’ouverture, d’accord… Cela s’est corrigé depuis et tant mieux car la table réussit plutôt ses débuts, cuisine et atmosphère.

On est dans la catégorie « généraliste » où l’honorable côtoie souvent l’à peu près et qui sombre souvent dans le n’importe quoi sur les ports de plaisance. Rien de tel ici, c’est bien amarré dès les premiers menus, un peu farniente chic et exotique, très plaisant à l’oeil et au dressage et un ticket moyen de 50/60 € à la carte.

La salade d’écrevisses à la menthe poivrée, copeaux de bresaola et tomates cerises, vinaigrette safranée, mieux celle de homard tiède aux croustillants de panisses en entrées, sont d’humeur accueillante. C’est plutôt craquant et généreux, des gambas à la plancha et julienne d’endives au colin en portefeuille, rôti en beurre mousseux, tomates confites, les desserts sont pétillants, en légèreté (bon tiramisu mangue-ananas-passion et une salade d’oranges au parfum de menthe, dattes et perle vanillée). Il y a le plat terrien, plutôt mode – le grenadin de veau, concassée de cèpes et Cazette rôtie (*) – le coeur de filet de boeuf poêlé et fricassée de légumes et puis ces chers vieux standards, tartare-frites, rognons de veau, loup en croûte de sel ou baba, qui rassurent tout bon public.

Alors merci qui ? Merci Olivier Milon, déjà à la manoeuvre au temps du Moorea et qui fait parler le métier et un parcours bien rempli (Jean-François Issautier, Le Château de la Chèvre d’Or, les frères Conticini, Taillevent, Guy Savoy, Joël Robuchon à Monaco).

Solide sur sa base-arrière, juvénile et perfectible au service, une carte des vins qui zappe la Provence, résumée à Minuty ou au Château Maïme, mais du charme – celui de Lydie inclus – et un décor élégant et lumineux, c’est incontestablement l’adresse à suivre sur le port de Saint-Laurent du Var.

(*) Poudre de noisette torréfiée, née dans la Nièvre. Ce condiment aux arômes caféinés fait aujourd’hui un tabac sur les plus grandes tables.