Adieu « Dante », bonjour « La Manufacture » ! Hier restaurateurs à Nice, aujourd’hui traiteurs au Rouret, Thierry et Vanessa Grattarola plus que jamais libres artisans !

«Dante», 5 rue Dante, Nice… Le restaurant que Thierry et Vanessa Grattarola viennent de vendre après cinq ans d’exploitation, tournait fort et rassemblait large. Il y eut cinq années vibrantes et joueuses, bâties sur leur passion du métier, une complicité et une énergie peu communes. Thierry le niçois avait connu des maisons étoilées, d’autres invitant au voyage puis connut une longue parenthèse en brasserie (1).

Au Dante, c’était son heure. Il aurait pu «en remontrer» en gastronomie mais il s’en est bien gardé. J’ai le souvenir d’une épatante «cuisine cuisinée», de plats gourmands et généreux comme la cuisse de canard confite, mijotée de haricots cocos et sanguins, un fondant quasi de veau rôti, blettes et pommes de terre grenailles ou encore l’oeuf mayo, pois chiches et poutargue. Une simplicité souvent magistrale.

Ces cinq années ont été intenses et gratifiantes, mais usantes aussi. La vie d’un restaurant est plus compliquée qu’on ne l’imagine et l’horizon du métier ne rassure guère. Vanessa et Thierry ont pensé au moment où ils baisseraient de rythme et perdraient l’envie et le plaisir. Plutôt que de durer, même avec succès, ils ont préféré vendre leur «table de quartier» et ont cherché où rebondir. La suite aurait pu s’écrire en ville mais il y avait souvent maldonne ou pire encore à l’heure des transactions. Le changement fut radical. Au Rouret plus à l’ouest du département, une adresse de traiteur se libérait dans une cité commerçante en bord de la route principale, à l’approche de la mairie. Affaire fut faite et depuis fin juillet ils tiennent un «traiteur-rôtisserie» qu’ils ont intitulé La Manufacture. Le mot a du sens et rappelle l’univers des produits confectionnés à La Manufacture d’Alain Ducasse à Paris (chocolat, café, glace, biscuits…).

Au Rouret, à deux pas du «Pot de Vin», caviste d’exception expert en grands Bourgogne, c’est un bonheur de les retrouver, savoir-faire et enthousiasme intacts, heureux de travailler ensemble dans ce commerce qu’ont déjà repéré leurs clients fidèles. «J’aime les gens et je cuisine pour tous, bourgeois et ouvriers ! » confiait, à Dante, Thierry Grattarola. Promis, il ne change rien à cet état d’esprit.

La Manufacture offre produits puisés à bonnes sources et plats généreux. Petits farcis, barbajuans quasiment collector, ratatouille «maison» bien sûr, aïoli, pissaladière, tomates et fleurs de courgettes farcies… charcuterie tranchée italienne de l’épicerie fine Maletti 1867, région de Modène – jambon cru San Daniele, guanciale, pancetta traditionnelle, bresaola Black Angus, salami calabrais… – huile d’olive du Château d’Estoublon, charcuterie de la maison Rigault à Annot, sardines El Tato, focaccina Bo…

Ils fonctionnent toujours au savoir, au métier, au sourire, ils sont dans l’action, s’encouragent l’un l’autre et agissent avec le naturel qui les caractérisait à Nice. Thierry, en mouvement perpétuel, cuisine, passe des fourneaux à la vitrine, commente, retourne en cuisine, Vanessa, à l’accueil adorable, conseille et cuisine à son tour. Ils forment une précieuse équipe, tous les deux, enfin ! Une aubaine pour Le Rouret où ils se sont installés non loin de Daniel Ettlinger au Clos Saint-Pierre – vingt-cinq ans de belle cuisine, longtemps étoilée – ou encore, à Opio, du Caffé César de Thierry Molinengo et Frédéric Bogé, toujours habiles à marier gastronomie et bistronomie. Un microcosme gourmand qu’ils ont rejoint au cœur de l’été. La Manufacture ? Il est temps de lui rendre visite !

(1) Notamment l’hôtel Majestic à Cannes, Miramar Beach Hôtel à Théoule-sur-Mer, Le Belles Rives à Juan-les-Pins, Les Vieux Murs à Antibes, enfin une brasserie à Cap 3000 (Saint-Laurent-du-Var).

La Manufacture, 350 route de Nice, Le Rouret. Tel. 06 08 40 39 63. Fermé lundi, mardi.