Talent, panache, étoiles, créativité, curiosité, amitié… qu’elles étaient belles, les années Maximin !
Son nom brille au delà du champ de la gastronomie contemporaine. Libre, flamboyant, incandescent, authentique… à vouloir le cerner on épuiserait cent dictionnaires et on y perdrait son latin (photo Pierre Monetta). Qu’importe, il est dans l’histoire, à la place, désirable, du cuisinier surdoué, technicien hors pair ferraillant avec aussi « fous » que lui. Tempétueux et précurseur, quelle que soit l’époque, Jacques Maximin a mis en lumière comme personne le terroir niçois, devenu sa terre intime, lancé un menu végétal en 1978, écrit un manifeste méditerranéen, «Couleurs, parfums et saveurs de ma cuisine», qui fait toujours autorité.


En bon génie créatif il ne traite aucun produit à la légère, quelle que soit son origine. Apprenti à treize ans dans un restaurant du Touquet-Paris-Plage, il est déjà un client à qui on ne la fait pas, rudoie les insouciants mais revient aussitôt à l’essentiel. Sa mémoire culinaire est phénoménale et ses menus, écrits de sa main, prescrivent des plats limpides, ornés de pleins et déliés. La classe !

1984. Le guide Gault-Millau, qui l’a découvert dix ans plus tôt, rôdant son talent aux fourneaux du Galion, à Marina Baie des Anges, lui décerne le titre de « Premier jeune chef de France ». Il est une forte tête que rien ne fait reculer, un gamin à poigne déjà connu pour sa remarquable technique. Alors, pas un instant à perdre! Il rejoint le Moulin de Mougins de Roger Vergé, puis La Bonne Auberge de Jo Rostang, qu’il aide à obtenir la troisième étoile. Au Negresco de Mme Jeanne Augier, il engage une décennie flamboyante (1978-1988) . Deux étoiles en deux ans, c’est une première pour un palace, auquel il ajoute en 1979 le titre dont il rêvait, Meilleur Ouvrier de France, concours dont il est aujourd’hui vice-président, en charge des thèmes culinaires aux côtés d’Alain Ducasse, président honoris causa.

« Top chef » années 80

1988. Il quitte le Chantecler et sa propriétaire, rebondit, invente la cuisine-spectacle, joue sa gastronomie comme s’il jouait sa vie sur la scène du théâtre Sacha Guitry . On le connaissait maître du goût et on découvre l’acteur-metteur en scène et son génie du lieu. Trois années étincelantes dans un décor enchanté. et le rideau tombe. Adieu Maximin et mezzanines ! Cuisinier, mais pas banquier, il innovait au quotidien, faisait simple et bon – tout un art – mais n’avait pas imaginé le dernier acte. La suite crépite encore à son retour à Vence, dans sa maison-restaurant rebaptisée «Table d’amis», puis au Cros de Cagnes et son Bistrot de la Marine « marin-malin ». Soleil, cuisine, vitesse, c’est sa vie pied au plancher, en Porsche de préférence, qu’il perd un jour, et retrouve le lendemain, attachée à la Providence des génies de la cuisine!


Alain Ducasse : l’ami de toujours (photo DR)
Créateur au col bleu, blanc, rouge, Maximin n’est pas l’homme d’une seule voiture ni d’une seule recette, comme certains l’imaginent, croyant ainsi résumer son talent. Inventeur de la courgette-fleur aux truffes, bien sûr, mais définitivement cuisinier, à l’égal des plus grands, il « mérite », Max, chef- d’oeuvre parfois en péril que certains de ses pairs ont su protéger. Alain Ducasse en premier, en a fait son chef-consultant dans son université de Meudon. Une école d’excellence aux 3500 recettes et dix ans de transmission au fil des masterclasses de l’artisan inspiré de la rue Sacha Guitry.
Ses nombreux disciples ont retenu la leçon. Des quatre coins du monde ils n’ont que tendresse et respect pour ce chef de bande qui les a parfois rudoyés mais qui les a fait grandir à force de travail, non par un simple tour de magie. C’est Maximin au fil des générations et des conseils, au Ledoyen à l’époque de Régine, au Rech des mers et océans…

A Saint-Paul de Vence, l’heure du grand mérite a sonné, à cette autre « table d’amis » qu’est l’Hôtel des Messugues (1). L’heure du partage, des anecdotes et des souvenirs. Avec Josy, son épouse, et le cercle de ses proches, retour sur le meilleur des années Maximin. La passion, le savoir-faire, le feu du métier… et son culte de l’amitié jamais oublié, exercice de haute école et devoir absolu qui est dans le cœur d’un gamin du nord parti à l’abordage des terroirs méditerranéens : Jacques Maximin, 77 ans, le jeune médaillé de Saint-Paul, en Provence.
(1) Hôtel Les Messugues, 76 Impasse des Messugues, Saint-Paul-de-Vence.
