L’enseigne évoque une comptine pour enfants mais la table réjouit les grands ! Pirouette vient d’entrer en scène rue Bonaparte, à quelques pas des Agitateurs dont Juliette Busetto et Samuel Victori ont fait une adresse à la gastronomie légère et inventive, promptement étoilée au guide Michelin. Comme ils s’ennuieraient s’ils faisaient du sur-place, ils ont d’abord ajouté Le Garde-manger, bistrot-traiteur- épicerie fine où on savait trouver bons produits et plats-surprises.
Aujourd’hui, changement de cap. L’épicerie magique a fermé et à sa place, voici Pirouette, décor intimiste, tables nappées, banquettes moelleuses, murs de pierres, claires boiseries et miroirs. Comme un salon pour amoureux et un lieu de charme pour oublier le temp qui presse.

On est loin de la bistronomie, catégorie à l’échine souple qui abrite autant de créatifs que de laborieux. Juliette et Samuel ont écarté cette étiquette à tout faire et ont conçu un restaurant à leur manière, cuisine simple et délicate, bases solides et humeur voyageuse. Comme aux Agitateurs, j’ai retrouvé le talent de ces anciens de l’Institut Paul Bocuse, passés notamment chez Troisgros à Roanne, au Bristol d’Eric Fréchon et à La Réserve de Beaulieu, habiles à exalter le produit, à inviter des accords nouveaux et à concilier cuisine «classique» et associations décalées.

Cette gastronomie toujours en mouvement est leur marque de fabrique et ils la déclinent ici en mode plus accessible à l’instant de l’addition. Au deuxième jour d’ouverture, j’ai fait un déjeuner de pur plaisir dans ce restaurant qui devrait mobiliser les foodies du tout Nice gourmand, déjà sur la piste. A la carte de Samuel et de son chef Brice Costa, quasiment à chaque plat, une inspiration, un horizon nouveau, une audace calculée. Pirouette, enthousiaste et non remuant, est le digne compagnon de route des Agitateurs.


Sa carte est un sacré terrain de jeu. A commencer par l’huître à malice, entrée en vinaigrette saucisse de Morteau et vinaigrette thaï. La betterave aux délicieux contrastes, sauce haddock aux œufs de poisson. Le thon rouge de Méditerranée, au naturel épatant dans son cru «à la tahitienne», lait de coco, gingembre, citronnelle et kumbawa.
Puis un carpaccio de saint-jacques, dentelle gourmande avec navet, oseille, yuzu et citron de Carqueiranne. L’instant exotique des ravioles de porc «Hanoï Hanoï», shiitakés, moules, jardin d’herbes et bouillon parfumé à la citronnelle et gingembre… Fantaisie et légèreté virevoltent ainsi jusqu’aux desserts, dont un délicieux vacherin aux agrumes, meringues craquantes, sorbet aux herbes et crème fouettée. Pour un début, Pirouette, cacahuète, l’histoire a bien commencé !


L’atmosphère est tout en douceur comme l’accueil d’Anne-Charlotte, jeune sommelière passée au Château de la Chèvre d’Or et à Pure & V de Vanessa Massé, dont on suit les bons conseils sur une carte séduisante et très personnelle (beaujolais blanc «Le silence est d’or», Côtes du Rhône «Les fourmis rouges», cuvée Agachon du Clos de l’Ours en Côtes de Provence…). Comment lui résister ?



Pirouette faisant ses premiers pas à trente mètres de la «maison mère» et sur le même trottoir, la proximité pouvait paraître risquée. C’est pourtant la bonne idée tant le lien culinaire entre les deux restaurants paraît fort. Juliette et Samuel créent des adresses inspirées («Sous les Pins», leur table d’été à la Fondation Maeght) où il se passe toujours quelque chose, idées, plaisirs, émotions, cuisinés avec maîtrise.
Une petite adresse de collection est née, encore parcimonieuse dans ses ouvertures au déjeuner – dommage – où on a envie de revenir pour savourer un plat nouveau et vérifier son enthousiasme. Mais une question ne m’a pas encore été posée (!) pour connaître mon coup de cœur de fin d’année et la suite imminente en 2024. Difficile, mais j’y répond… Disons Pirouette !

Pirouette, 34 rue Bonaparte, Nice. Tel. 09 82 20 93 21 et pirouette.nice@gmail.com
Carte 50/80 €. Fermé mardi, mercredi et au déjeuner lundi, jeudi, vendredi (ouvert le soir). Ouvert midi et soir samedi et dimanche.