Avec la disparition, le 19 février, du chef Mario Muratore, Monaco et particulièrement l’Hôtel de Paris et le Louis XV d’Alain Ducasse pleurent l’un de ces acteurs de la gastronomie, pas si nombreux, qu’on aime pour leur sens du métier autant que pour leur humanité. Celui qu’on appelait “Mario”, natif de Pigna, village montagnard de Ligurie, a beaucoup fait pour que le voisinage géographique entre la France et l’Italie devienne un lien culinaire fort. Mais aussi pour que cet “arte povera” populaire et riche de bon sens, né dans les foyers paysans et les jardins familiaux, influence notre gastronomie. C’est notamment avec ce compagnon de la première heure – 1987, année de création du Louis XV – qu’Alain Ducasse a effacé la “cuisine de palace” pour installer ses nouveaux dogmes, de la cuisine de la Riviera à celle des Méditerranées.
50 ans d’Hôtel de Paris
Engagé à l’Hôtel de Paris comme commis en 1967, dirigeant trente ans plus tard ses cuisines, du Grill à Côté Jardin ou à la Salle Empire, Mario Muratore a été, pour le moins, un fidèle au sein du palace où sa longévité reste unique. Evoquant son premier de cordée italienne dans l’ascension du Louis XV, Ducasse confiait : «Mario a été le premier à lever la main pour me suivre dans l’aventure. Il était intimement lié à cette belle et longue histoire et si nous avons réussi à donner à la cuisine méditerranéenne une interprétation contemporaine et raffinée, c’est largement à lui que nous le devons”.
Plus que le haut-gradé de la gastronomie en Principauté et autant que le chef expérimenté et respecté, je retiens, comme tous ceux qui l’ont côtoyé, l’homme de Pigna au bon sourire, à la voix chantante et à la poigne solide, “paysan-cuisinier” fier de ses origines, puisant la connaissance du produit dans ce cher terroir qu’il vient de rejoindre. Mais aussi, loin des chroniques spécialisées, “Mario le magnétiseur” aux soins amicaux, qui “guérissait le feu” des brûlures et plus d’un zona (“il fuoco di Sant’Antonio”) et tenait de son père l’art du sourcier. Avec Jean-Pierre Rous, maître-sommelier historique du Louis XV, nous avions partagé l’an dernier les bons plats liguriens d’Il Torrione, délicieux bistrot-resto de Federico Lanteri et Aurora Peirano, à Vallecrosia. Mario n’avait jamais loin où se ressourcer.
Chaleureux, malicieux, ensoleillé comme les restanques où il cultivait ses oliviers et faisait son vin – son Rossese di Dolceacqua – il était bien l’enraciné de Pigna comme l’est, pour Nice, Franck Cerutti, aujourd’hui chef exécutif des restaurants de l’Hôtel de Paris et irremplaçable “ducassien” passé, à Florence, par L’Enoteca Pinchiorri de la niçoise Annie Feolde. Avec l’apport de tels authentiques, on comprend mieux combien ce lien culturel entre la France et l’Italie est précieux. Grazie di tutto e ciao, caro Mario !
1 comment
Merci jacques pour cet hommage à Mario .
Toujours gaie et heureux, passionné.
Patrick leroy.
La pinède st tropez 1990