La France vit aujourd’hui à l’enseigne du «chacun chez soi et cuisine pour tous». Pour passer le temps, partager plaisir ou passion et le faire savoir sur les réseaux sociaux, débordant de recettes de particuliers et de chefs de renom.
Il faudra pourtant dépasser cet état d’hypnose-overdose. Aussi enrichissant et solidaire soit-il et porteur de changements sur la voie du bien manger, ce nirvana culinaire «maison» reste quelque peu virtuel. Il accompagnera mais ne remplacera pas l’exercice et le lien social des métiers de l’hôtellerie-restauration, censés être les derniers autorisés à « revivre » alors qu’un tueur en série hors normes les met en pièces.

Flou. Un seul mot est sûr. Flou. Le flou sanitaire, économique, pas artistique.

Insouciance. Demain, «tous au restaurant» ? Déjà un vieux refrain. Il faudra une faculté d’oubli inédite ou un appétit féroce pour que les clients retrouvent ce chemin d’un air insouciant.
Même pas peur. Pourtant, une étude de l’agence en communication Api & You sur « Les perspectives de consommation en hôtellerie et restauration des Français après confinement » indique que 65% des interrogés sont prêts à retourner au restaurant, 84% ne comptent pas changer leurs habitudes, 11% s’y rendraient plus souvent. Le budget ne serait pas un obstacle -100 euros par personne pour 24%, entre 50 et 100 euros pour 48%) – les gestes barrières (22%) et l’hygiène (38%) restant des critères de sorties. On veut y croire. Mais Api n’est-il pas trop happy ?
Avant, après. L’impératif «Rien ne sera plus comme avant !» court les conversations. Déjà un vieux refrain. Le moment venu on en vérifiera le sens exact, rassurant ou déprimant, en évitant de dire «c’était mieux avant». Déjà déprimé d’y penser.
Garder ses distances. Un comble pour un métier dont la vocation est de rassembler, distraire, offrir du plaisir… et d’abolir la « distance » avec le client, même à tête de confiné..
Prudence. Le moment «d’après» aura un goût étrange. Libérateur pour les acteurs d’un restaurant mais appelant à la prudence ces séquestrés de la dernière heure et leurs clients, en quête de cuisine-vérité. Qui seront les premiers à table ? L’ami, la famille, le confrère, l’élu, le banquier, l’assureur, le touriste… ?

Talents. Un inventaire de la gastronomie sur la Côte d’Azur rappellerait qu’elle reste, aussi, un territoire inspiré, privilégié, riche de lieux haut de gamme et de talents majeurs. A terme, pour qui peut s’offrir ce luxe, ne pas bouder les uns ni se priver des autres. Même si, lors de la pire saison à venir, les premiers pourraient être en sommeil et les seconds en retrait.
Envie. D’adresses qui sauront accueillir et sécuriser sans stresser. Le produit, le conseil, l’imagination, des cartes courtes, si possible des espaces aménagés et un nombre plus réduit de couverts, pourquoi pas deux services… A vos masques et bon appétit !… Jouable et anxiogène.
Espoir. La guerre des postillons n’aura pas lieu ! Mais l’expression « avoir le masque » ne détendra pas l’atmosphère et on aura besoin de restaurateurs attentifs et inventifs, pas de chefs de cliniques. Le menu, pas l’ordonnance !

Survivre. L’heure est à une bistronomie de combat. Mais avant de toucher sa feuille de route, simplement, qu’elle puisse survivre ! Quant à la gastronomie – mot à prononcer avec des pincettes – on attend qu’elle se montre créative, exemplaire, luxueuse sans insolence.
Pas envie. De restaurateurs et de clients sans mémoire. Aller au restaurant comme on entre dans un moulin sera aussi peu conseillé demain qu’aujourd’hui. Un nouveau critère de confiance est attendu : le rapport qualité-prix-sécurité pour les premiers. Un comportement sans bêtise et incivilités pour les seconds. Trop ambitieux ?
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Merveiileux article. Le debut sera difficile. Mais on s’habitue aux nouveautés. L’important est de sortir de notre maison- prison et recommencer à vivre.