En ce moment à l’Hostellerie, cela commence ainsi : le thon mariné à la bergamote et l’artichaut poivrade, cru, cuit et glacé. Deux amuse bouches ? Bien mieux. D’emblée, la rigueur et le style. Les entrées confirment ce savoir-faire. Celui, gourmand, des raviolis de foie gras, parmesan et huile d’olive de Callas, inamovible plat signature, ou plus en douceur, un omble chevalier descendu de son lac pour découvrir la Méditerranée. Et puis ce n’est pas le genre de la maison d’inviter à picorer, même en début de repas. Les clients fidèles gardent en mémoire les «années riches» de Philippe Da Silva, maître d’une cuisine française de tradition qu’il avait apportée en 1995. Disparu il y a trois ans (1), Anthony Salliège, son chef exécutif, a gardé ce cap de maîtrise et de générosité mais en a calmé l’abondance.
C’est la marque de fabrique de Pennafort, actualisée cette année par l’arrivée de Julien Lépine comme chef adjoint, venu de l’Auberge du Clos Pierrepont à Montferrat (1). Salliège le bourguignon et Lépine le varois sont amis et se retrouvent à l’hostellerie où ils travaillaient ensemble au début des années 2000.
Un récent dîner dans la salle élégante avec la cave de jour vitrée en fond de décor, a conforté mon jugement sur cette maison. Du maigre label rouge de Corse, petits pois et morilles, au homard bleu, asperge verte et pistaches de Sicile, du ris de veau braisé au Saint Julien et courgette fleur de Jean-Charles Orso au pigeonneau rôti, mini betterave et jus au café, j’ai retrouvé ce qui fait sa droiture : le produit choisi au mieux (goûtez bien sûr la tomme de chèvre fleur de Catherine Fleury, de la fromagerie La Pastourelle à Châteaudouble), une sûreté saucière, des cuissons au cordeau, le dressage impeccable du plat, non sa mise en scène… tout cela sur une carte allégée mais qui ne crie pas famine.
Anthony Salliège, méticuleux à l’extrême, vit et pense cuisine. Julien Lépine apporte une autre ouverture et une même rigueur. On apprécie leur gastronomie complice et apaisée qui a la confiance de la famille Garrassin, propriétaire qui n’a jamais lésiné sur les moyens accordés à la cuisine comme à l’hospitalité.
L’Hostellerie est ainsi, tradi, bienveillante, peu dans les vents dominants ou dans la compagnie des people, influenceurs et autres foodistas. Bordée de grands vignobles, la route qui y conduit promet un environnement nature, pas la furia des réseaux. En salle, sous la conduite assurée de Vince, le service est dans l’écoute et l’attention. A quatre mains, deux chefs coiffés de leurs toques rendent hommage au métier et sonnent la reconquête. Il y a trois ans, le guide Michelin, tourné vers plus remuants ou plus aventuriers, retirait son étoile. Aux dernières nouvelles, cette gastronomie de bon sens la mérite toujours quand d’autres la portent comme un fardeau.
(1) Philippe Da Silva a été emporté par le Covid-19 le 24 avril 2021.
(2) Formé notamment auprès de Jean-Luc Rabanel et de Jacques Chibois, Julien Lépine a ouvert en 2017 l’Auberge du Clos Pierrepont (Montferrat) dont il a fait l’une des meilleures tables du pays dracénois et qu’il a revendue avant son arrivée à Callas.
Les Gorges de Pennafort, Anthony Salliège, RD 85, Callas. Tel. 04 94 76 66 51. www.hostellerie-pennafort.com Menus 95, 115 et 180 €. Menu du marché 75 € à déjeuner de mercredi à vendredi (sf fériés et en juillet-août). Menus spéciaux. Hôtel, treize chambres et suites. Piscine, fitness, héliport.
