Dans le paysage diversifié de la restauration niçoise, Comptoir du Marché, bistrot-resto chaleureux à l’atmosphère retro années cinquante est l’une des adresses de confiance du Vieux Nice et y occupe une place particulière. Ouvert en 2011 par Armand Crespo, créateur en 2007 du célèbre Bistrot d’Antoine et d’autres adresses thématiques (1), il est le plus ancien de cette lignée, « historique » mais non passéiste et toujours d’actualité.

Accueil prévenant, cuisine de bon sens et classicisme allégé, il aborde, toutes valeurs intactes, ses quinze ans d’exercice, rue du Marché. Classique, l’adjectif est redoutable et peut vous ranger illico dans le tiroir aux vieilleries mais sous la conduite d’Hélène Vogler-Finck, il échappe à ce mauvais sort. Connaître l’époque et ses clients, savoir rassembler… on retrouve ici la «méthode Armand», son expertise reconnue dans la création de lieux et de thématiques dans un périmètre bien identifié. A ses côtés, Loïs Guenzati (2), Hélène, sa compagne, formée à l’école hôtelière de Strasbourg, Sophie Crespo et Sébastien Krieger, chef du Bistrot, ont apporté leurs savoirs et leur énergie dès l’ouverture du 8 rue du Marché. Aujourd’hui, ce restaurant chaleureux repris par Hélène est entre de bonnes mains et conserve sa personnalité sans perdre l’esprit de famille.

Au fil des saisons, le Comptoir a suivi son cap sans surjouer le terroir niçois. On a retenu notamment l’axe italo-niçois formé par Jacopo Marini, natif de Lecco sur le lac de Côme et aux fourneaux Claudio Marsico, originaire des Pouilles. Ils tiennent aujourd’hui Marmar, épatante table de poche derrière l’église du Port. Depuis l’été 2024 le lorrain Frédéric Krauer, passé par Le Chantecler, Les Bains Déli-Bo à Villefranche-sur-Mer et l’indispensable Peixes, a pris le relais au Comptoir.


Cuisine posée, attentive au détail, il se garde de «revisiter» et actualise à bon escient. Ce sont par exemple les délicieux calamars à la plancha, artichaut sauce à l’orange, entrée tout en vivacité, de malicieuses pizzette de champignons, porchetta, pickles d’oignons rouges et roquette ou un œuf parfait aux champignons sauvages et crème de potimarron.


Lors de mon passage, j’ai aimé cette approche tout en précision et générosité, avec le quasi de veau à l’exacte cuisson, gnocchis, crème de sauge et butternut, préféré à l’aïoli de lieu jaune, safran orange et légumes. Moins convaincant en final, aux côtés d’un éclair, crème diplomate au chocolat et du riz au lait, caramel à l’orange, le tiramisu aux marrons, cassis et myrtilles, version éloignée de la recette du Frioul et de Vénétie avec le mascarpone en star crémeuse des fromages italiens.

Le tiramisu (photo JG)
Mais entre tradition et créativité, le Comptoir, sage comme son image, séduit par son authenticité et le respect de la saison. Suivez l’ardoise grand format (six entrées, six plats et quatre desserts au choix) promenée de table en table entre les deux salles réunies par un court passage longeant la cuisine. On choisit la première, ses boiseries aux couleurs chaudes et sa convivialité immédiate ou la seconde, plus retro avec tables en formica, vaisselier, portes de gazinière et réfrigérateur, mur de pierres apparentes et vue imprenable sur la cuisine. Que vous préfériez l’une ou l’autre, bienvenue dans un monde illustré qui a le bon gout de ne pas trop en faire.

Voilà autant de signes d’une table bienveillante, service souriant et à l’écoute, plats de dégustation proposés au dîner (n’attendez pas Noël pour goûter le foie gras « perso » du chef) et carte des vins inspirée, notamment en Provence (Clos de l’Ours, Figuière…), Sud-Ouest et Languedoc-Roussillon (Domaine Elian Da Ros, Mas Amiel), présentée par Célia.
Mais qu’est-ce qui distingue ce bon élève d’autres adresses méritantes? Disons le « label Hélène », à la fois sérieux et touchant, qui traduit sa part d’histoire, sa conduite d’équipe et son respect du client, depuis l’ouverture en 2011 et seule à la barre depuis 2021. Coup de coeur pour le Comptoir du Marché, valeur refuge du Vieux Nice.

(1) Le Bistrot d’Antoine, créé en 2007 par Armand Crespo, est le premier d’une série d’adresses thématiques, toutes ouvertes dans le Vieux Nice : Bar des Oiseaux, Peixes, La Cave du Cours, Bar de la Dégustation, Type 55, Colita…
(2) Après Comptoir du Marché, Loïs Guenzati a repris Peixes puis s’est associé à Philippe Cannatella au Carmela, Cours Saleya. Peixes s’est aujourd’hui dédoublé en Peixes Opéra, tout près de La Petite Maison et Peixes Bonaparte, tous deux sous sa direction.

Comptoir du Marché, 8 rue du Marché. Tel. 04 93 13 45 01. Carte env. 45/60 €. Fermé dimanche et lundi.

