Ollioules. La Promesse : food sentimental

Parler de «cuisine d’auteur», çà vous pose une table, on s’attend à de l’aérien, de la broderie, pas de la roupie de gastronomie mais bien souvent l’ego l’emporte sur le goût et brouille le message… “La Promesse” de Valérie Costa et Jean-Marc Bournazel héberge une cuisine d’auteur mais au bon sens du terme : style et droiture d’une adresse-courage adossée depuis trois ans au Domaine de Terrebrune, l’un des grands de l’appellation Bandol.

Valérie a tourné la page Toulon. Dans son restaurant de la rue Jean-Jaurès, grille de fer forgé et parquet siglé d’appellations et cépages, il y avait déjà la passion du produit et le sens de la recherche. Mais Toulon, c’est Toulon ! Ouvert à quelques tables valeureuses et à la bistronomie du moment, et à l’étage supérieur, comme un instant de solitude ! En ville, Valérie perdait courage, à Terrebrune,  entre vignes et colline, elle revit.

Un soir d’août, terrasse close, barre placée haut en salle – un vingt couverts audacieux quand dix-huit est son maximum – le dîner était un récital.  Saumon et pois chiches de Rocbaron, sésame et chlorophylle, poulpe et truffe d’été, craquant de parmesan, le homard dans une crème de crustacés, écume de coco au yuzu, enfin un nougat d’Ollioules dans sa sphère éphémère…  pour ces plats sensibles, de haute précision, on acceptait l’épreuve du temps, cette attente qui peut tout faire effondrer.

J’ai peu d’indulgence pour les menus “dégustation”, exercices de bravoure censés résumer le talent ou le néant d’un chef, cortège de plats “signatures” et de saveurs convenues. Mais celui-ci- 4 plats pour 79 € – exprime une émotion qu’on retrouve, intacte, aux menus et sur une carte jamais figés.

Le potager bio est à deux pas, la source locavore peu discutable, Valérie est seule en cuisine, Jean-Marc l’est aussi en salle, tout à sa partition et maître d’une cave (400 références) qu’un connaisseur doit avoir sur ses tablettes. Il y a «ce qui se mange» et «ce qui se boit», dont la cuvée 2016 «L’Accent», rosé de pure délicatesse du Clos de l’Ours (Cotignac), esquisse provençale pour cave aux trésors.

J’aime le défi quotidien de ce couple fusionnel, parfois sur la défensive et dans la peur de l’incompris. Leur table exigeante et libre – seulement sur réservation – a l’étoffe d’une étoilée. Qu’en pense le Guide Michelin ? Il a inspecté, a sans doute compris mais n’a rien promis. Comme il se fait attendre !