Apopino ! J’adore le nom de ce restaurant. Ou plutôt son titre, tant cette enseigne mystère est romanesque. Sa sonorité italienne fait penser à Moravia («Agostino») ou Umberto Ecco («Baudolino») mais l’explication, qu’on garde pour la fin, n’a rien de littéraire. La table, elle, pourrait bien vous enchanter. On est dans le haut de Grimaud, sur la place des Pénitents et sa petite chapelle, au terme d’une agréable montée entre rues et placettes. Le restaurant – ce fut La Bretonnière puis Les 4 Saisons – est à cette image, provençal et confidentiel. Faim de village ! Terrasse, porte vitrée, deux salles aux tables de bois clair, fauteuils de cuir bordeaux, banquettes, cuisine sous l’escalier à double révolution, modernité, légèreté… créé par la précédente propriétaire, le décor n’attendait que le coup de foudre de Victoire Silvant, Jacopo Brunero et Dominique Calcerano pour retrouver la lumière. Apopino aura un an en décembre et les chercheurs de bonnes tables, qu’il y ait pluie ou soleil, l’ont déjà sur leurs tablettes.
Deux chefs complices dont les chemins se sont croisés à l’Hôtel Terre Blanche, en pays de Fayence, se sont mis en cuisine. Jacopo le piémontais (prononcez «Iacopo»), ex mathématicien de la finance à Milan, passionné d’art culinaire, formé à l’Ecole Ritz-Escoffier et à l’Institut Paul Bocuse, et Dominique, le discret nordiste, ancien de Maximin, Gagnaire, Jouteux, Petrossian, Ferigutti… !

Apopino inside (photo J.G.)
Une carte c’est comme la première page d’un roman, on accroche ou pas. Celle-ci séduit au premier regard: clarté du dressage, accord des produits, saveurs immédiates. Dans sa coupe de porcelaine, le risotto citron-poutargue a déjà l’étoffe d’une entrée signature. La truite en gravlax, oranges confites, crème frappée acidulée, les salsifis rôtis et carpaccio de poires, la poêlée de saint jacques aux poireaux confits et cèleri façon risotto, viennent à l’instant exact, sans tambours ni cymbales. C’est « juste bon », inspiré et non technicien, tel le filet de canette à la tendre cuisson, fèves et gnocchis au curcuma, enfin une arrière-garde légère – le baba à l’amaretto, croustillant au citron, fromage blanc et citron vert. L’enfance de l’art !

Oh, le risotto ! (photo J.G.)

Poêlée de saint-jacques (photo J.G.)

Baba à l’amaretto (ph. J.G.)
Respect de la saison, esprit «légumier», sourire et accueil de Victoire, je n’ai pas trouvé trace d’une obsession étoilée dans cette maison douce, plutôt de la créativité et une vraie modestie. Un esprit qui ne devrait pas laisser indifférent le Guide Michelin. En 2018 ?
… Enfin, pourquoi «Apopino» ? Dans le village piémontais de Cassano Spinola, la grand’mère de Jacopo, fin cordon bleu, lui avait donné ce petit nom quand il entrait dans sa cuisine. Rien de tel qu’une histoire d’enfance et de gourmandise pour illustrer l’une des nouvelles bonnes tables du Var.

Les trois du haut de Grimaud ! (photo J.G.)
Infos pratiques
- Adresse : Place des Pénitents, 83310 Grimaud
- Tél : 04 94 43 25 26
- Site : www.apopinorestaurant.com
- Menu : Formule déj. 18 €, menu 32 €
- Carte : Env. 45/60 €
- Fermeture : Ferm. dimanche et lundi