… C’était de belles années. Président d’honneur du 31e Salon Agecotel, Jacques Maximin est à l’heure des souvenirs et de la transmission. A Nice, il apporte son histoire, son talent, son métier. Aux nouvelles générations de recevoir le message de ce «fou cuisinant», créateur inégalé, technicien hors pair et chef-artisan de (fort) caractère qui débuta dans les années soixante et reste une référence.
En 2022, Les Étoiles de Mougins ont fait de lui l’invité d’honneur de leur quatorzième édition dédiée aux Meilleurs Ouvriers de France. Cette année, le Salon Agecotel, rendez-vous incontournable des professionnels de l’hôtellerie, de la restauration et des métiers de bouche, lui a confié la présidence de sa 31e édition. L’heure de la tournée d’adieux n’a pas encore sonné et voilà une bonne occasion de partager avec lui savoir, souvenirs, anecdotes et bons conseils.
En quittant la restauration quotidienne (sa dernière adresse, «Le Bistrot de la Marine» à Cros de Cagnes, a fermé au printemps 2016), il a réduit la voilure mais il est toujours en scène, intact et même rajeuni. Je lui avais consacré mon premier article de gastronomie dans Nice-Matin en 1982. Le gamin du nord parti à l’abordage du sud venait de réinventer et d’anoblir la courgette-fleur niçoise et avait déjà bouclé une grande partie de son parcours. Passé par de grandes maisons dès les années soixante – Prunier, Le Pré Catelan, L’Hermitage, Le Moulin de Mougins, La Bonne Auberge… – deux étoiles au Chantecler (Hôtel Negresco) et Meilleur Ouvrier de France, il n’avait pas encore ouvert son restaurant-théâtre au cœur de Nice, inédit mais éphémère. Grand spectacle, cuisine en fête et puis rideau.
Maximin en cuisine, quelle aventure ! Il est l’homme aux cinq cent recettes, créateur du tian d’agneau, du carpaccio de mulet à l’oursin, du filet de rouget sauce au foie et vinaigre de Banyuls, de la courgette fleur aux truffes, de la glace aux pointes d’asperges… Aucune ne naît d’un ordinateur, tout est dans sa mémoire, phénoménale. Il a appris par cœur Escoffier puis a tracé son chemin. «Je ne note rien. De 14 à 30 ans, j’ai appris la cuisine des autres». Dont celle de Roger Vergé au Moulin de Mougins. Plus tard, le Chantecler sera sa grande époque, plats créés par cet esprit libre, au plus près du produit, parfois improvisés en dernière minute, menus illustrés par César, Arman ou Moretti, chacun écrit de sa main, dans un envol de pleins et déliés.
Dans la galaxie de la gastronomie il est le moins formaté, peut-être le plus couturé. Entre coups de sang et coups de génie il a revivifié le terroir niçois, fait trembler plus d’une brigade, transmis la soif d’apprendre, secoué et inspiré des disciples qui lui sont éternellement reconnaissants.
Cuisinier avant d’être restaurateur, parfois sauvé des eaux par ses pairs dont Alain Ducasse, l’ami le plus proche, qui l’a accueilli comme conseiller culinaire, chef en résidence à son École de Meudon et à ses côtés pour piloter le concours du Meilleur Ouvrier de France. C’est ce créateur force dix, ce «chef-d’oeuvre vivant» selon François Simon, la meilleure plume de la critique gastronomique (1), qu’on retrouve au Salon Agecotel. Un Maximin au col tricolore qu’il ne faut pas embaumer avant l’heure au prétexte qu’il est déjà dans l’histoire.
Maximin-Ducasse, une histoire d’amitié (repr. JG)
Car l’époque accélère et le métier se transforme. Autre temps, autres valeurs, on croit moins à l’enseignement des maîtres qu’à la dernière vérité des réseaux sociaux. La restauration se remet en question ou donne le change et s’apprête à vivre des temps compliqués. Ce n’est pas une raison pour clamer «c’était mieux avant ! » car c’est loin d’être le cas. Mais c’en est une pour garder en mémoire les fondamentaux des «années Maximin». Max le pur, le rude cuisinier, affectif, éruptif, créatif, charismatique, avec sa passion du métier pour talisman et sa sincérité pour montrer le chemin.
(1) Lire «Le max de Maximin» à paraître prochainement aux éditions Alain Ducasse (300 pages, 59 €), 100 recettes signature avec photos, archives et souvenirs racontés par François Simon. Et relire «Maximin cuisine les légumes» (Ed. Albin Michel) et «Couleurs, parfums et saveurs de ma cuisine» (Ed. Robert Laffont).