Celle-là a mis du temps pour tomber du ciel ! Du ciel Michelin bien sûr. L’une des ces étoiles espérées de longue date mais retenues dans la galaxie du guide on ne sait trop pourquoi. A Mandelieu, elle a surgi le 18 mars, sept ans après l’ouverture du restaurant de Bessem Ben Abdallah, une ancienne crèche proche de l’hôtel de ville. C’est peut-être pour cela que le guide, qui a un certain âge, ne trouvait pas Bessem. Ou parce que cette maison, propriété de Sylvain Massa, connu – notamment – pour ses Côtes de Provence (Château Font du Broc, Château Les Preyres) et grand éleveur de chevaux lusitaniens de dressage (1), semble se cacher, tout à son intérieur calme et raffiné.
Baies vitrées panoramiques ouvrant sur le jardin, salle lumineuse aux tables nappées, murs blancs ornés de cadres végétaux, terrasse ombragée de palmiers, platanes et olivier, fontaine et restanques de pierres sèches… l’adresse a du charme et de l’assurance.
Bessem y a posé sa passion trois étoiles et confie son attachement à notre région qu’il résume ainsi : «Je suis Tuniçois !». Il mise sur le produit et la saison, l’inspiration claire et l’assiette sans effets de style, proposée aux clients comme une part de soleil. Talent non formaté mais parcours étoffé, il a bien appris dans quelques belles maisons. A l’Hôtel Métropole à Monaco avec Sergio Schoener, à L’Âne Rouge sur le port de Nice avec Michel Devillers, à L’Orangerie dans l’île de la Cité avec Michel Del Burgo. Ou encore avec Marc Meneau à Saint-Père sous Vézelay puis Courchevel où il fut chef exécutif de Pierre Gagnaire aux Airelles (deux macarons) et resta cinq ans à lʼHôtel Lana avant de gagner le Spondi à Athènes.
Un déjeuner ne révèle pas tout son talent mais dévoile une gastronomie amicale, «simple et efficace». Dès les préliminaires, le ton est donné. Sur table, l’huile d’olive tunisienne «Parcelle 26» qu’il conseille. Focaccia à l’huile d’olive et graines de nigelle, sucette de foie gras au piment d’Espelette, chocolat noir et pain d’épices, pain soufflé farci d’une ratatouille niçoise mixée s’impliquent dans des préliminaires exquis, dont une pomme de terre cuisinée comme un risotto Manchego venu du cœur fromager de l’Espagne, anguilles fumée et jus de viande.
Les asperges vertes des Landes et blanches de Camargue s’accompagnent de morilles au vin jaune, copeaux de mimolette, zestes d’oranges, amandes effilées et pointes d’harissa. Une belle entrée en matière avant de retrouver la volaille «patte bleue» d’Éric et Martha en haut-pays niçois (Terre de Toine à Pierlas), prescrite rôtie avec polenta crémeuse, champignons et jus de viande au Marsala. Voilà une fraîcheur terrienne au plus près de la saison et la maîtrise d’un chef à la fois classique et créatif, technicien et cuisinier sensible.
Ce menu du moment n’est pas de stricte obédience méditerranéenne, il est sans oeillères, fort sur les accords, gourmand jusqu’aux desserts de Gabriella, pâtissière venue de l’Hôtel Martinez, proposant ce jour là une mangue fraîche et riz au lait en coque au chocolat, sorbet amande, coulis au Guanaja. Enfin, peut-on boire ? Bien sûr et pas seulement les «vins maison», dont le Château Font du Broc ou le blanc Altitude 179, 100% rolle. Bessem c’est enfin une atmosphère sereine, midi ou soir (préférons l’heure du dîner), une élégance discrète, un service attentionné, «à l’ancienne» dans le bon sens du terme, dirigé par Sébastien Druaux qui fut longtemps maître d’hôtel à la Bastide Saint-Antoine de Jacques Chibois.
Mandelieu a accueilli Bessem pendant sept ans et sans étoile. Oublions çà, car celle du printemps rachète une trop longue absence. Et si on peut regretter celle d’un menu plus accessible, le principe des menus sans affichage, souvent mal perçus, est ici digne de confiance, de l’avant-propos jusqu’aux ultimes mignardises. Quant à l’engagement culinaire, il suffit d’écouter ses amis proches, les frères Gaël et Mickaël Tourteaux, qui ont porté Flaveur à deux macarons en terre niçoise, faire l’éloge de Bessem le valeureux. Un parrainage de purs cuisiniers qui vaut toutes les étoiles !
Bessem, 183 avenue République, Mandelieu-La Napoule. Tél. 04 93 49 71 23. Menus 95 et 145 €. Fermé lundi, mardi. E-mail : contact@bessem-restaurant.com
(1) Le chef d’entreprise cannois, fondateur du groupe Massa Pneus, est devenu deuxième meilleur éleveur mondial 2020 de chevaux de dressage (de pure race lusitanienne) et participera aux prochains Jeux Olympiques de Paris.