Cannes-la-Bocca. James Chauchat-Rozier, le petit prince du Château de la Tour

Un chef, pas un châtelain ! James Chauchat-Rozier, «ex» d’Alléno, séduit avec une gastronomie tout en finesse à La Table du Château, sur la colline de Cannes la Bocca. Le lieu est romanesque, la cuisine stylée et de belle maîtrise. A découvrir d’urgence.

Imaginez la colline à la fin du XIXe siècle. Le paysage, ponctué de villas et châteaux, avait cet héroïque architectural Riviera qu’on reconnaît entre mille. Le Château de la Tour (1870) est l’un des survivants, hésitant entre médiéval et mauresque, bois et résidences, calme et vue mer, rénové par son propriétaire Christophe Riccobono dans un esprit de chic demeure. Vous lisez «château» et vous faites déjà demi-tour. Peur de l’accueil au pont-levis et d’un service à la lueur des torches. Dommage, vous allez manquer une jeune gastronomie qui, elle, échappe à l’histoire et, pour l’instant, à trop d’écrans radar de la critique. 

Depuis deux ans, James Chauchat-Rozier a pourtant mis du style dans ce «off Croisette». On aurait attendu ce disciple de Yannick Alléno plus en vue et en ville mais il a préféré quitter le cocon d’un multiétoilé et le circuit doré de la gastronomie – en Corse au Belvédère et au Casadelmar (Porto Vecchio), second d’Alléno au Cheval Blanc à Courchevel, chef du Zeste au One & Only The Palm à Dubaï, enfin second de Philippe Jégo aux Pêcheurs (Cap d’Antibes) – pour vivre sa propre aventure méditerranéenne. 

Voilà un «ex de» à découvrir d’urgence. Non pour son côté beau gosse ou son assurance de trentenaire. La gastronomie est surpeuplée de chefs dans le sens de la hype et on est rôdé à toutes les fulgurances. Ici ce serait plutôt sage mais déterminé, l’assiette subtile avec assurance, qu’il s’agisse de «revisiter» un aïoli, condiment d’agrume ou – c’était mon choix – de texturer une tartelette de légumes, de marier œuf mollet croustillant, purée à l’oseille et caviar Kaviari «Kristal» aux notes d’amande ou de décliner et aromatiser l’agneau des Alpilles. 

Salle et salons aux tons rouge et noir font dans le romanesque appuyé mais cette cuisine détend l’atmosphère. Un peu évanescente avec les langoustines tiédies, agrumes confits, raviole de cèleri à l’encre et consommé d’herbes, plus excitant sur la presa de porc ibérique, ribs croustillants aux herbes, poivre de Tasmanie.

Les desserts de Rémi Fontaine, complice du chef au Cheval Blanc, sont en harmonie, dont un financier noisette, espuma noix de coco, chantilly lactée, légérissime et culpabilisant. Il faut découvrir ce duo tout à son aventure, James et sa cuisine inspirée, effleurée mais fidèle au produit, l’exquise courtoisie de Romain Bernay, directeur de salle, et à l’heure d’été, la terrasse romantique face à la baie de Cannes. Alors, vive cette vie de château !