Bistronomie, le qualificatif n’est peut-être pas approprié dans cet environnement si méditerranéen qu’est la baie de Rénécros. «Bistrot» est plutôt urbain et n’a pas le pied marin. Mais on ne va pas jouer les grincheux de bord de mer dans cet hôtel lumineux et décontracté à l’architecture labellisée années 50. Une évasion presque insulaire et une destination spa à quelques minutes de marche du port de Bandol… Le bien être !


Ancien de Dominique Toulouzy, d’Alain Ducasse et de Jean-François Rouquette dont il fut le second au Park Hyatt-Vendôme, puis chef du Château de Berne, à Lorgues, Jérémy Czaplicki y a bouclé un septennat fructueux, apportant en 2019 une étoile Michelin toujours d’actualité. Le Bistrot s’appelle Lumière (1) et dans son espace vitré, grand écran sur la baie et terrasse dominant la piscine, ce bien nommé est une introduction à sa gastronomie interprétée à la table des Oliviers.

On connait le danger couru par un établissement proposant en un même lieu une offre pointue et une cuisine plus accessible et familière. C’est «l’effet tapas», ravageur, de certains menus aux grosses ficelles. Une approche médiocre au bistrot compromet la partition personnelle au «gastro». Au Lumière, rien de tout cela. Czaplicki démontre qu’on peut faire bon, simple et raffiné si on respecte le produit, la qualité, la saison, l’accueil et donc son propre métier.

Un midi de fin de printemps, une tatin de poireaux au miel de fleurs, chèvre frais à l’huile de basilic introduisait ainsi une cuisine sensée et délicate. Il y avait tellement d’envies parmi les entrées, des asperges vertes rôties au beurre de brioche, sauce Périgueux et truffe noire, à la langue de bœuf confite aux pommes de terre croustillantes. Si la proposition de huit plats semblait tirer en longueur c’est qu’elle jouait à saute-terroirs, des ravioles de saint-jacques contisées à la truffe noire, au ris de veau croustillant, cuisiné aux asperges vertes et grenobloise à l’orange. Les desserts confirmaient en toute gourmandise avec le clafoutis aux poires caramélisées, émulsion au chocolat guanaja et sorbet poire.


Évitons tout excès d’angélisme. Parti pour un «entrée-plat-dessert» on a tôt fait de filer au delà des cinquante euros, vin non compris et la bistronomie devient alors moins charitable. Mais combien de gargotes vous étranglent et vous indisposent pour le même billet ! Le Bistrot Lumière esquisse au contraire ce que Jérémy Czaplicki propose ensuite aux Oliviers. Une cuisine sensible, précise, dont je garde quelques souvenirs délicieux, tels un ris de veau au beurre d’algues, barigoule de blettes aux morilles et velouté aux feuilles de coriandre ou un saint-pierre à la chair nacrée, crème de fenouil, blettes multicolores et cerises Burlat au vinaigre de Xérès. Ce styliste discret a gagné en assurance et en culture méditerranéenne, il soigne textures et cuissons et n’arpente pas les médias. Alors, bistronomie ou gastronomie, soyez ce client éclairé qui découvrira la baie de Rénécros et ses saveurs délicates. Et y retournera.


(1) Louis Lumière, l’inventeur du Cinématographe (1895) avec son frère Auguste Lumière, est mort le 6 juin 1948 à Bandol.
Bistrot Lumière (Hôtel Thalazur Bandol Ile Rousse). 25 Brd Louis Lumière, Bandol. Tel. 04.94.29.33.12. Carte env. 60 € à midi, 70/75 € le soir. Restaurant Les Oliviers, ouvert le soir seulement (Menus 110 €, 150 €, 190 €).
