En reprenant “Le Sud” en avril 2017, Fabricio Delgaudio ressuscitait ce restaurant de bord de route étoilé dans les années 2000 par Christophe Petra. Une opération à risques dans le quartier d’Aiguebelle sinistré par la disparition de l’hôtel Les Roches. Deux ans plus tard, cette table insolite au mobilier griffé Starck et à l’armature vitrée figure toujours parmi les bonnes adresses du littoral.
Il y a incontestablement une empreinte «by Fabricio». Ne pas se méprendre : si un chef brésilien, natif de Sao Paulo, est bien aux commandes n’attendez ni feijoada ni envolées cariocas. Qui a baroudé en Provence se souvient du Sanglier Paresseux, perché dans le village de Caseneuve, en Luberon, où Fabricio, formé à l’Institut Paul Bocuse et passé par le Meurice, époque Yannick Alléno, bousculait de sa modernité le pays d’Apt.
Sur la Côte, il suit son chemin de cuisinier au charisme latino et à la gastronomie sans élucubrations. Pressé de foie gras et anguille fumée, chutney aux figues, maigre rôti sur la peau, bouillon à la bonite séchée, algue kombu et copeaux d’ail noir dérident un appétit mieux que cent plats taciturnes estampillés «terroir».
La mode est au ceviche ? Testez le mahi-mahi et sa légère émulsion au cresson. Croiser les saveurs du grand sud ? Alors, un pimento del piquillo farci à la brandade de morue et mille-feuille à la tapenade d’olive noire, avant de finir sur une tartelette Bourdaloue à la reine-claude et gaspacho de pêche de vigne.
Le menu de la Saint-Sylvestre à Aiguebelle (95 €) avait bien du talent, de la brouillade aux truffes noires au Black Angus à la broche et farine de manioc à la truffe. Produits, jus, parfums, textures, tenue d’assiette, attention du service et menus-plaisir («Promenade au Lavandou», «Quatre pas sur la Fossette», «Cinq pas sur Aiguebelle»), cette table aux bonnes vibrations est encore trop méconnue. Elle est pour moi de niveau étoilé. Alors, Brazil !