C’est beau, le haut-pays niçois, on en fait même des recettes au nom de la tradition et du patrimoine. Mais quelques routes démobilisent les appétits et compliquent parfois l’affaire pour des cuisines plus ambitieuses. Pas question pour autant de bougonner à l’approche des fêtes, alors disons que la vie est belle… A Roure, par exemple, qui domine Saint-Sauveur sur Tinée et la vallée de la Violène…
Cela fait douze ans qu’on se régale au Robur, l’auberge communale où Pauline et Christophe Billau ont conquis une étoile (1). Déborah Georges, qui leur a succédé, apporte un autre style aubergiste. Après quelques escales en gastronomie – Le Château de la Chèvre d’Or (Eze Village), l’Hôtel du Cap Eden Roc (Cap d’Antibes), Les Terraillers (Biot), La Folie Douce à Val d’Isère – elle a tenté l’aventure, fidèle à l’esprit des Toques Brûlées et… seule en cuisine. C’est son défi au féminin singulier.
Mi décembre, retour de vacances, elle avait consigné sa nouvelle carte sur un cahier d’écolier. A l’heure de sa rentrée, le menu déjeuner proposait d’habiles accords dès les amuse-bouche – petits oignons farcis de veau et anchois – puis avec la patate douce cuite au gros sel, légèrement fumée, crémeux de figatelli et oignons confits.
Plus osées, les ravioles de betterave, en purée, cubes rôtis ou version crue marinée, vinaigre de cidre, crème scamorza (fromage du sud italien au lait de bufflone), jus de betterave et romarin, poussaient plus loin la recherche avant une douce déclinaison autour de la mandarine, en gratin, sorbet et tartelette.
Dans la salle baignée de lumière ouvrant sur les montagnes, j’ai aimé cette gastronomie-courage, juste et délicate, l’accueil et le service de Paulin, impeccable d’attention et de discrétion, les notes bio et l’éclectisme de la carte des vins, (Bellet du Domaine de la Source, rouge tuilé du Domaine Rasse à Saint-Jeannet, gamay de Touraine La Piffaudière) et un circuit court de rigueur (la truite du Cians fumée, les légumes de Laurent Ferrer à Ilonse…). Déborah cuisine «du jardin à l’assiette», elle fait son pain, propose des plats à emporter et tient bon dans ce village perché aux maisons XVIIIe et toits de lauzes tout en rêvant d’ouvrir une ferme-auberge.
Lo Robur est ainsi de ce commando de talents en altitude où on retrouve Quintessence (Roubion), L’Auberge de La Penne, Lou Poumié (Pierlas) ou plus récemment l’Auberge de La Roche (La Roche Valdeblore), assurément étoilable. Alors il faut monter à Roure, quel que soit le contexte. Pourquoi pas à la Saint Sylvestre pour un menu terroir et découverte au bon plaisir de Déborah ?
(1) Le guide Michelin a confirmé puis retiré l’étoile à Quintessence, leur belle adresse du col de la Caillole. Injuste et peu compréhensible. Mais 2022 sera une autre édition…
38 rue Centrale. Tel. 04.93.02.03.57 et 06 45 76 60 73. Menus 32, 39 et 72 €. Menu de la Saint Sylvestre 99 €. Fermé lundi, mardi. Hôtel 7 ch. à partir de 89 €. reservationrobur@gmail.com