Ce restaurant, je l’ai vu naître, avancer avec prudence, éviter les pièges dressés sous ses pas, puis trouver sa place, qui n’est pas loin aujourd’hui des podiums. Il y a trois ans, Etienne Colliard en cuisine et Stéphanie Tieffry en salle, ouvraient en mode «petite table», à deux pas de la mairie.
Etienne, coiffure libre et savoir-faire évident, sortait d’un joli tour de piste étoilé auprès, notamment, de Jean-François Rouquette au Park Hyatt Paris-Vendôme, puis second de Jérémy Czaplicki et de Benjamin Collombat qui se succédaient au Château de Berne, Relais & Châteaux de grande Provence entre Lorgues et Flayosc.
Dès les premiers plats, dont une double côte de veau en croûte de moelle, paccheris farcis à l’artichaut et chèvre, on avait en effet le gourmand et le sérieux, garantis sous tous les angles, saisonnalité, produits, jus, cuissons, accompagnements… Nulle impatience ou ego surdimensionné, juste l’envie de donner du plaisir. Le bon plan.
Trois ans plus tard, AntrEnouS confirme cette première impression. L’enseigne se complique toujours la vie en jouant avec majuscules et minuscules mais la cuisine a gagné en assurance. Sans tarder, dès le premier menu avec l’entrée de chou-fleur rôti, burrata et orange sanguine, un «ceviche» de daurade en verdure légère (copeaux de légumes et crème d’avocat) bien installé sur la carte, la selle d’agneau rôti, grué de cacao, brocoli et passion ou la finesse et le croquant d’une déclinaison chocolat, glace à l’huile d’olive. Une cuisine aux saveurs franches, d’humeur égale et sans effets de mode, qui reste une bonne affaire même si les prix se sont mis à son diapason.
AntrEnouS a rejoint ainsi mes coups de cœur varois, de styles et de lieux différents, parmi lesquels Les Étiquettes à Ollioules, Le Clos Pierrepont à Montferrat, L’Alizé à Hyères, Le Nid à Flayosc, Es/pacio à Saint-Cyr-sur-Mer… Je connais des villes et des villages qui n’ont rien à proposer ou si peu. Désormais, celle-ci a du répondant. Hors les murs, le Château de Berne et son «Jardin» gourmand. «Bruno» que l’aubergiste légendaire a transmis à son fils Benjamin, maître des cuisines. Lorgues a élargi le choix avec La Table de mon Moulin de l’expérimenté Jacques Rolancy, près de la Collégiale Saint-Martin, La Table de Pôl, sous les platanes du cours Clémenceau, repris par son jeune chef, Julien Collard, ou Le Grillon, brasserie ensoleillée voisine de la mairie.
«Que demande le peuple ?», dit l’expression qui remonte au Moyen-Âge. On ne confond pas ici politique et gastronomie, mouvement social et menu dégustation. Le peuple est celui des clients qui demandent une table attentionnée où la gastronomie invite à revenir. Salle intimiste aux vingt couverts et terrasse ombragée, AntrEnouS répond à ce portrait-robot. L’adresse a gagné sa place, tourne à bon régime et n’a pas fini de monter. Un jour, une étoile ? Il n’y a pas urgence, on s’emballe peut-être mais ce serait une bonne idée.
7 avenue Allongue. Tel. 04 94 67 63 80. Menus 45€ et 65 € (dégustation, 5 plats). Carte env. 60/75€. Fermé mercredi toute la journée et à déjeuner jeudi et samedi.
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