Massoins. David Graziani, chef de talent et esprit libre, fait renaître l’auberge communale. Coup de coeur.

Si vous avez quelques lacunes en niçois et si vous êtes en manque de tables conviviales, montez à Massoins ! Dans ce village médiéval surplombant la vallée du Var, l’auberge communale, blottie contre la mairie, manquait à l’appel depuis bientôt trois ans. Début mai, elle a repris du service sur la place principale, refaite à neuf et nommée de frais après consultation des habitants. Pour une identité, celle-ci proclame haut et fort son besoin de terroir et de partage : La Bouona Manjuca !

Ce n’est pas ici que l’on va discuter la volonté du peuple ni cette joviale enseigne, synonyme de ripaille, bonne de préférence. Il y a plus important : la renaissance d’une table oubliée et l’arrivée d’un cuisinier qui lui donne un nouveau souffle. Comme à Roure, à Roubion, à Bairols ou à La Roche Valdeblore, aux projets et aux profils culinaires différents, le village entend conjurer le sort souvent contraire aux auberges du haut-pays. Comment durer, fidéliser, apporter une cuisine sérieuse voire installer une gastronomie au delà des fins de semaine, tel est l’enjeu.

A Massoins, j’ai retrouvé un «fou de cuisine» qui a peut-être la solution. Un autodidacte comme on les aime, qui ne compte pas ses heures et sa passion pour donner du plaisir. David Graziani est ce chef au talent singulier qu’on a connu à Gattières, aubergiste déjà, puis à Nice et à Cagnes-sur-Mer. Il a plus d’une aventure voire d’une mésaventure à conter, lui en explorateur créatif, certains, qui l’ont recruté, moins assidus pour le comprendre.

A 45 km de Nice, il retrouve calme et confiance. Salle claire et moderne, nature panoramique, l’aauberge ensoleillée séduit. David Graziani est ce « cuisinier nouveau » qui va la porter plus haut, plus loin. Ayant fait un tour d’horizon des produits de la vallée et du haut pays il applique sans tarder son esprit de recherche. Le foie gras poêlé, pommes caramélisées et oignons confits rissolés dans son bouillon ; les asperges poêlées, sabayon parmesan, petits pois crus, mayonnaise à l’anchois, brousse et huile d’aneth, ou l’effiloché de truite du Cians, cœur de chèvre et ciboulette, feuille d’épinard sur lait de coco au limoncello… dès les entrées on est prévenu. Il n’y aura pas ici de menus gravés dans le marbre ou de plats installés jusqu’à l’usure mais de l’imagination et du mouvement.

Un «signature» est tout de même au rendez-vous des premières cartes, épatante de gourmandise et de nuances : la poitrine de cochon roulée façon porchetta aux champignons et blettes, velouté de pomme de terre à la cébette, jus corsé aux morilles. La maîtrise des jus et des cuissons, le produit sans maquillages, la main verte et une interprétation délicate du terroir, l’essentiel est en place.

Si çà flanche un peu aux desserts (la profiterole vanille et chocolat fondant) le parcours à la carte ou au menu en sept services témoigne d’un engagement sincère et d’un autre horizon que celui des menus daube-raviolis d’antan. Le propos n’est pas de rassasier mais d’ouvrir à une autre recherche. C’est tout à fait jouable. David Graziani et son épouse Léa, à l’accueil adorable, et précieuse pour soutenir le moral de l’aubergiste. Tous deux ont désormais carte blanche à La Manjuca. Un contrat de confiance, rien de tel pour s’inscrire dans la durée, réussir une cuisine et faire (re) découvrir Massoins.

La Bouona Manjuca, 32 Camin dei Jardin, Massoins. Tel. 06 86 61 19 52. Formule 20 €. Retour du marché le midi (hors week-end et fériés) entre 12€ et 18€. Menu 42€. Menu du chef (en 7 services sur réservation) 85 €. Menu Fête des Mères 62 €. Fermé dimanche soir, lundi et mardi.