C’était en 2006. La gastronomie n’existait pas à Menton et on ne donnait pas cher du Mirazur ouvert par Mauro Colagreco, chef italo-argentin formé auprès des plus grands (Loiseau, Passard, Martin, Ducasse). Sa cuisine était tout en créativité et fulgurances mais à l’extrême est de la Riviera, on était, du moins sur ce plan, en terre inconnue. Aujourd’hui, le Mirazur, sacré meilleur restaurant au monde 2019, est sans doute le trois étoiles le plus impliqué dans la compréhension et la défense de la nature et multiplie les engagements environnementaux tandis que Mauro Colagreco conseille et ouvre de nouvelles adresses à travers le monde.
Ce rapide point d’histoire pourrait ne pas concerner Casa Fuego, qu’il a ouvert à l’automne 2020, à quelques mètres du Mirazur, repensé ces dernières années en une “haute gastronomie lunaire” engagée, sensible et poétique. C’est «la table d’à côté», complémentaire et dédiée aux viandes maturées et à l’art de la parrilla,le barbecue argentin, proposé le samedi à déjeuner.
Alors que la consommation de produits carnés est en berne, pour de bonnes et mauvaises raisons, un peu partout dans le monde, Casa Fuego invite à découvrir une cuisine identitaire où la magie de la braise est centrale, la cuisson au feu de bois un acte de culture et le «momento» de l’asado, un point de partage en famille ou entre amis, que tout argentin pratique le dimanche. Dans ce restaurant aérien dominant le vieux Menton, voilà un pèlerinage à conseiller aux viandards de toutes origines, connaisseurs ou débutants. On y aime l’atmosphère, la lumière, la vue méditerranéenne, enfin une cuisine généreuse qui ne laisse pas la viande esseulée.
Tout commence par les entrées gourmandes, terrine de canard et foie gras, carpaccio de bœuf mariné aux épices, cèpes panés au pesto d’herbes, parmesan et roquette, carpaccio de poulpe ou encore le radicchio à la braise, poire caramélisée, fondue au gorgonzola et vinaigrette au miel fumé. Et puis les empanadas, ces célébrités argentines, petits chaussons de pâte feuilletée farcis de viande, de maïs et fromage, servies avec une sauce piquante bolivienne Llajua au piment et tomate. De quoi inquiéter les barbajuans locaux…
Ce n’est pas encore l’amour vache mais il arrive, toutes viandes nées, élevées et abattues en France. L’ojo de bife (faux-filet de bœuf Fleuron pyrénéen) passé à la grille, d’une tendreté absolue, avec pommes de terre grenaille et cébettes à la braise, sauce chichimurri, persil vinaigré, ail et piment, que chaque asador argentin prépare à sa façon. L’onglet de bœuf, purée de courge et herbes du jardin. Les rib’s de porc (cochon fermier Tirabuixo de Cerdagne) marinés et saisis sur la braise, patate douce farcie, sauce barbecue. Ou encore (pour deux personnes) une côte de bœuf maturée de vingt à quarante-cinq jours, sauce béarnaise.
On peut aussi varier les plaisirs avec les pâtes fraîches «maison» à la farine bio Mitron Bakery (1), tagliatelle, raviolis «del plin» ou tagliolini à la crème fumée, choisir le poulpe à la plancha et mousse de chou-fleur et terminer par le délicieux flan dulce de leche, le pain perdu ou la panna cotta maison.
Enfin, pensez à la parrilla, la star de Casa Fuego, proposée seulement le samedi midi. En Argentine c’est un moment précieux pour le lien social et le vivre ensemble dont on ferait bien de s’inspirer. Les différents morceaux de viandes – bife de chorizo, vacío, matambre, bondiola de porc… – vont sur la braise après l’entrée en scène des achuras, ouvreurs d’appétit : chorizo argentin, morcilla, sorte de boudin cru ou cuit, ris de veau, tripes et rognons cuits séparément, le tout nappé d’une sauce à base d’oignon, ail, persil, vinaigre, jus de citron et assaisonné d’une pincée de piment.
La parrilla de Casa Fuego est à l’image de cette adresse, ambassadrice d’un patrimoine lointain qui nous donne quelques leçons de partage. Vegans s’abstenir ou peut être à convertir et pour tous les autres, sans appartenance fixe, assurément une table de partage.
(1) Mauro Colagreco a ouvert des boulangeries Mitron Bakery à Menton, Monaco et Nice. On peut y trouver notamment des panettone exceptionnels, notamment celui au citron de Menton, élu meilleur
panettone créatif de France 2021.
CasaFuego, 80 bis, Bd de Garavan, Menton. Tél. 04 93 17 13 15 et info@casafuego.fr Carte env. 70/95 €. Formule parrilla, samedi midi, 75 € (25 € pour les enfants jusqu’à 10 ans). Réservation en ligne https://www.casafuego.fr/ Ouvert mardi, mercredi, jeudi à dîner et midi et soir les vendredi, samedi et dimanche.