Chaque été depuis trois ans, le restaurant Odyssey accueille un chef de renom, choisi pour sa créativité et son sens de l »innovation. Cette ouverture sur le monde et ces dîners éphémères créés à l’initiative de Joël Robuchon, disparu il y a un an, se poursuivent avec le même succès. Invité 2019, l’étoilé madrilène Rodrigo de la Calle. Encore deux semaines pour découvrir son concept «gastrobotanique» et les saveurs de sa «révolution verte».

Il n’est pas donné à tout le monde, en cuisine, de «parler le végétal». Beaucoup prétendent maîtriser cette langue, jurant être nés dans un potager et sublimer fruits et légumes quand ils n’ont jamais regardé une aubergine, des petits pois ou une asperge au fond des yeux…
Pour avoir croisé quelques vrais talents précurseurs (Ducasse, Passard…) qui ont imaginé, à la croisée des années 80/90, des recettes où les légumes étaient rois, on mesure le chemin parcouru. Aujourd’hui on ne compte plus, en France et dans le monde, les chefs qui connaissent et pratiquent cet art du naturel qu’est la cuisine «verte».
L’exemple des dîners d’été de l’Hôtel Métropole-Monte Carlo illustre ce basculement culinaire et sociologique. Chaque été, depuis trois ans, dans le cadre du restaurant Odyssey, designé par Karl Lagerfeld, un(e) chef venu(e) d’ailleurs offre un aperçu de sa créativité. Disparu il y a un an, Joël Robuchon avait eu l’idée de ces rendez-vous de juillet-août. Christophe Cussac, son fidèle lieutenant et chef exécutif de l’Hôtel Métropole, a veillé à la troisième édition de ces dîners éphémères, véritable ouverture sur les cuisines du monde.

L’an dernier, Carme Ruscalleda, chef étoilée à Sant Pau de Mar, en Catalogne, avait donné un aperçu de sa gastronomie ardente, libre et picturale. Cet été, Rodrigo de la Calle lui a succédé dans cet exercice de créativité. Révélé et étoilé à Aranjuez il y a onze ans, puis à Madrid où il tient L’Invernadero (la serre), avec un macaron Michelin (1), ce fils de fermier et petit-fils de cuisinier prône une «révolution verte» basée sur la complicité entre gastronomie et botanique. On pourrait parler de «pouvoir vert» mais au sens magique de voyages, rêves et découvertes. Imaginé et mis en pratique dès 2000, ce concept de « gastrobotanique » en a fait l’un des acteurs les plus intéressants sur la scène ibérique et internationale.

En deux menus, le madrilène offre à Monaco – pour quelques dîners encore – un aperçu séduisant et convaincant de ses recherches. Elles ne se limitent pas à extraire des archives quelques «légumes oubliés» mais introduisent une cuisine plus radicale dans laquelle les protéines animales deviennent comparses d’assaisonnement des acteurs principaux que sont fruits, légumes ou champignons. Dans ces menus de haute curiosité, commencés en douceur – les accords navet-menthe, concombre-coriandre, radis-sésame – avec quelques bouchées de pain à la tomate, on savoure quelques pépites : chou chinois et huacatay, herbe aromatique de la cuisine andine (Pérou), épinards et chou kale, et une petite merveille d’harmonie, pomme, betterave, roses, fraises, poivron et fleur de courgette, ou encore une séquence fusionnelle invitant ail noir et rutabaga, oignon, caroube, aubergine, truffe, orange et absinthe.


Parfois, on frise le border line comme sur des desserts plus anecdotiques accordant tomate, fraise et melon, et l’entrée en scène de la phycocyanine, pigment de l’algue spiruline, qui fait diversion avc un bleu Klein digne du Musée d’Art Moderne et de l’Ecole de Nice.
Mais l’important de cet «éphémère monégasque» est l’alliage étonnant entre rigueur, style et investigation culinaire, notamment sur les végétaux et les boissons fermentés. Aussi sophistiquée soit-elle, vocabulaire survitaminé compris (la spiruline et les «super aliments»), la recherche de Rodrigo de la Calle n’est pas désinvolture ou instant de mode mais traduit une créativité sourcée dans ses «huertos» d’Espagne (jardins) mais aussi en Chine où il conseille deux restaurants à Pékin. Sans voyager aussi loin, il faut simplement découvrir, jusqu’à la fin août, ses plats de réflexion, d’émotion et de belle actualité.
- En 2017, El Invernadero a été classé par le quotidien américain The Washington Post parmi les 50 meilleurs restaurants écologiques du monde.



Infos pratiques
- Adresse : Odyssey, Hôtel Métropole Monte-Carlo, 4 av. de la Madone 98000 Monaco.
- Tél : +377 93 15 15 15.
- Site : www.metropole.com
- Menu : Menu «éphémère» en six séquences, 139 € (de mardi à samedi jusqu'au 31 août, au dîner seul.)