Le fantôme du Vista Palace, né dans les années soixante sur un piton dominant la Principauté de Monaco et le Cap Martin hante parfois les lieux, à la recherche de sa gloire passée. Mais The Maybourne Riviera qui a lui succédé ouvre sur un monde du luxe d’une autre envergure et dont les exemples se multiplient désormais sur la Côte d’Azur. Ses investisseurs (1) ont frappé fort, percé profond dans la falaise et ajouté une architecture futuriste à un panorama d’exception. Une résurrection et un grand spectacle.
Confiée à Mauro Colagreco et à Jean-Georges Vongerichten, stars mondiales de la gastronomie (2), la restauration est à cette image. A Roquebrune Cap Martin, le chef 3 étoiles du Mirazur dont on mesure aujourd’hui le chemin impressionnant parcouru depuis son arrivée à Menton en 2006, supervise deux restaurants. Le Riviera pour la version terroir provençal et Ceto (3) pour une recherche plus avancée qu’il a confiée à Andrea Moscardino, ancien du Mirazur et de Gualterio Marchesi à Erbusco et à la chef pâtissière argentine Julieta Canavate, qui a notamment travaillé au Ashford Castle en Irlande et au Gastrologik AB, à Stockholm.
Au delà de la promesse des mots – pêche durable et responsable – et d’une thématique marine qui rappelle, dans un autre style, la gastronomie des grands fonds de Gérald Passédat au Petit Nice (Marseille), il propose, dès les mises en bouche, une exploration délicate et poétique à l’égal de cet horizon méditerranéen.
L’adresse est d’altitude mais pour 70 € au premier menu, on peut s’offrir le premier grand écran hôtelier de la Côte et l’une des expériences culinaires proposées par un chef multi récompensé et fort bien entouré (4).
Au menu en six vagues, la salade de puntarelle ou chicorée de Catalogne, amertume légère, amandes grillées et poutargue de thon, invite à ce voyage sensoriel en Méditerranée. Présentée comme une tranche de jambon ibérique, la ventrèche de thon rouge est enveloppée dans des algues kombu, «vieillie» en cave de maturation (à l’entrée du restaurant), soulignée par une sauce XO (condiment épicé aux fruits de mer). Vivacité et finesse absolues.
L’huître de Camargue grillée, lard di Colonnata et tombée d’oseille joue un intermède gourmand avant le rouget à la cuisson parfaite, chou grillé, onctueuse sauce péruvienne ajo verde de plancton végétal. Julieta Canavate apporte l’ultime légèreté avec une panna cotta déjà collector, présentée dans son plat-oursin, vanille, sorbet cassis, citron caviar et un millefeuille marin à l’algue nori, vanille, sauce toffee (proche du caramel). Autant de plaisirs servis par une équipe jeune et sans reproches que conduit Sébastien Rey, venu de La Bastide Saint-Antoine de Jacques Chibois, la sommellerie étant assurée par Victor Bigot, aux excellents conseils((le pinot noir californien, cuvée Au bon climat, Santa Barbara County 2018), et l’ensemble de la restauration par Jordi Albacar.
Ceto, nouvelle destination gastronomique de la Riviera, entre ainsi en compétition avec de sacrés atouts. Mer et mouvement, espace et lumière, saveurs et couleurs, iode et vibrations, créativité sans solennité… autant de promesses d’étoiles. Mais pour l’instant, une standing ovation !
1551 route de la Turbie, Roquebrune-Cap-Martin. Ceto (tél. 04 93 37 22 44) Menu déj. 70 € mercr. à vendr. sf fériés. Menu 168 € à dîner. Carte env. 130/160 €. Fermé dim. soir, lundi et mardi. Riviera (04 93 37 22 45) ouv. tlj. Menu 60 € et carte. Hôtel 45 ch. et 24 suites.
- The Maybourne Hotel Group possède notamment le Claridge’s, le Connaught et le Berkeley à Londres).
- Jean-Georges Vongerichten, basé à New-York, règne sur une quarantaine de restaurants dans le monde.
- Ceto, monstre marin dans la mythologie grecque.
- Le guide Gault&Millau vient d’élire Magali Picherie, chef sommelière du Mirazur, Cheffe Sommelière de l’Année 2022.