Appelons-la «brasserie contemporaine». Aisance, couleurs, gastronomie, atmosphère… Ferni semble bien armée pour accueillir dans les meilleures conditions une large clientèle. Comme «Nananère», sa voisine (voir l’article sur ce blog), cette adresse joue sur les mots. Ferni serait le diminutif du prénom de Fernand Léger, artiste majeur d’un Cubisme dynamique, maître des lignes, des formes et de la couleur dont le Musée de Biot rappelle la modernité. On ne l’attendait sans doute pas invité dans ce contexte mais va pour l’union libre de l’art et de la table.
Avec cette création au cœur d’Antibes, Victor Bensimon apporte sa maîtrise d’une restauration festive dont la Plage Keller avec son restaurant Le César est la première illustration. L’affaire du Cap d’Antibes tourne fort, la clientèle y est à haute contribution et on souhaite un succès au moins approchant à Ferni dans l’aménagement de ce nouvel Antibes.
Il se dessine dès la première image, confiée à l’antibois Grégory Païs, de l’agence Cochet Païs Architecture, qui a réussi un concept Arts Décos séduisant, évoluant au fil de la journée, ample terrasse à midi, espace plus ambiancé et feutré le soir. La couleur dominante des sièges, une terra cotta chaleureuse, le sol noir et blanc, l’or du laiton, le lustre d’albâtre évoquant les galets d’une plage méditerranéenne, comme en apesanteur dans un ciel rougeoyant… Ferni a du style.
«Chic et décontracté», il annonce son engagement dès l’entrée du restaurant. «Au Ferni, l’amour se cuisine tous les jours». L’idée peut faire son chemin et dans l’assiette, promesse tenue. Marc Mira directeur de l’établissement (et douze ans de Plage Keller), secondé par Candice, a fait appel à Pierre-Alain Garnier pour accorder dans la durée la table et le décor. Passé notamment chez Jean-Pierre Vigato, Eric Fréchon, Guy Savoy et Marcel Ravin au Blue Bay Monaco, il a connu le circuit étoilé comme les établissements aux grands volumes telle la Brasserie Printemps Haussmann. Ce chef expérimenté qui dirigeait l’an dernier les cuisines de « La Verrière », la table de l’Hôtel Monsigny à Nice, sera précieux pour conduire Ferni vers le grand large, disons au delà des cent couverts. Le pari est jouable, l’adresse ne tombe pas dans le piège des nouveaux tendanceurs et ne promet pas une gastronomie de haute volée mais une cuisine sérieuse et savoureuse, déjà bien en place.
J’ai trouvé le ton juste et la main sûre en testant une carte du soir étoffée, de la pizza de partage aux spécialités au four à braise. Le ton est méditerranéen, l’assiette généreuse, l’esprit aux classiques revus avec légèreté. L’oeuf parfait vient à point avec asperges vertes et fricassée de champignons. Le vitello tonnato où la bonite mi-cuite, copaux de parmesan et salade croquante, remplace le veau de la recette piémontaise est une bonne idée. Pas mal, le blanc de volaille cuit à basse température, gnocchis aux champignons des bois, sauce homardine. Bien plus craquants, à la braise, les tentacules de poulpe grillé, baba ganousch (purée d’aubergines libanaise), sauce aux herbes. Enfin d’une jolie gourmandise, le coulant au chocolat, glace cookies dough.
Accueil chaleureux, service souriant et attentionné, carte des vins bien structurée (sympa, le rosé provençal du domaine Myrko Tépus, à Esparron), cette brasserie à la personnalité affirmée devrait être à son meilleur le soir, cuisine, son et lumières. Et si l’amour se cuisine tous les jours, vraiment de quoi se plaindrait-on ? Pour ma part c’est un coup de cœur.
Ferni, place des Martyrs de la Résistance. Tel. 04 93 00 01 01. Menu à midi 25 €. Carte env. 50/80 €. Ouvert tlj. Bar à cocktails.