Saint-Raphaël: le grand écran de Stéphane Léger

On dirait un yacht posé sur le vieux port de Saint-Raphaël, tout en espace, baies vitrées, terrasses, avec brasserie au niveau du quai, pont supérieur à la vue panoramique, parking souterrain… Grande allure.

C’est aussi le projet de vie de Stéphane Léger, étoilé en Bourgogne dès 2009 au “Chassagne”, à Chassagne-Montrachet – quelle chance ! – et arrivé à Saint-Raphaël en 2014. De la Côte d’Or à la Côte d’Azur il y avait pourtant plus qu’un changement de climat. Sans détailler les débuts de cette maison de verre, un temps intitulée “L’Archange”, rafales de tous bords et erreurs de manœuvre n’ont pas manqué, l’étoile gagnée en 2015 fut reprise l’année suivante et il y avait plus d’incompréhension que de grand amour entre cette maison et sa ville…

Mais si le talent n’assure pas les fins de mois, au moins ramène-t-il l’espoir. La cuisine de Stéphane Léger était et reste son atout, d’un classicisme expert et réconfortant. Son style élégant, appliqué à la Méditerranée, mériterait ainsi un sort meilleur dans les pages du guide rouge. Trop tard, Christophe Bacquié a tout raflé cette année au Castellet !

Cet hiver, malgré le soleil qui inondait la salle, j’avais envie d’un menu chasse, bien nommé “Saint-Hubert”, plutôt que de taquiner celui, désirable, aux huîtres Tarbouriech et confit de poireaux, aux langoustines de Méditerranée, mousseline de cèleri rave et curry ou encore le loup cuit lentement, risotto et gelée d’agrumes. Le genre de provoc’ anti terroir qui vous prend comme un coup de sang.

Je filais droit dans les terres avec un velouté de châtaigne, calme, onctueux, avec lard, perdreau et foie gras de canard au miel, la cuisson pertinente des noisettes de chevreuil, poivre sauvage de Madagascar et légumes, une tourte de lièvre à la royale, festive, sans excès, et la poire au vin d’épices, dacquoise noisette-chocolat à la ferveur classique. De la belle ouvrage.

Le chef cuisinait en artisan dans un de ces moments hors saison où le geste, la maîtrise saucière et une carte des vins digne de ce nom et louant la Bourgogne évitaient tout ennui à table. Du sérieux, encore.

Dans ce lieu ambitieux, la brasserie (*) qui n’a pas su accueillir et rassembler dès l’ouverture est peut-être  convalescente mais à l’étage, avec grand écran sur le port et la Méditerranée, la gastronomie a belle allure. Raisonnablement, on ne devrait plus dire «il faut sauver le soldat Léger» mais quand va-t-on chez Stéphane Léger !

(*) Le Lamparo, ouv. tlj.  (tel. 04 94 55 74 38)