C’est un hôtel-bastide à l’environnement nature et à l’air vacancier. On a envie de s’y détendre pour oublier le littoral, ses villes, le temps qui presse… mais surtout pas Vence, sa voisine, qui séduit dans la lumière de Matisse. Et puis il y a cette Table, discrète mais affirmée. On l’a connue sous la conduite de Jérôme Héraud, disparu l’an dernier, chef exécutif et directeur du domaine, dont la collection d’ouvrages culinaires (1) disait l’esprit cultivé et le goût de la recherche.
Il y a deux ans, j’avais apprécié la passion du produit de ce Maître Cuisinier de France et sa conduite de cette adresse née dans les années 80, puis rachetée par Francine et Christian Eberhardt. A ses côtés, Benjamin Bourgoin, ancien de Bruno Sohn au Palais de la Méditerranée à Nice, d’Alain Llorca ou d’Emmanuel Lehrer au Mas de Pierre à Saint-Paul, partageait le même engagement et avait déjà la main en cuisine.
Il est aujourd’hui l’auteur d’une carte «de succession», fidèle à l’esprit Héraud et de plus en plus personnelle. Locavore un jour, locavore toujours, La Table du Cantemerle a maintenu le lien avec ses producteurs : légumes de La Ferme des Grenouilles (Villeneuve-Loubet), pains de la Boulangerie Palanque et fromages de Thomas Métin à Vence, fraises de Christophe Ferraro (Carros), truffes et morilles de Gourdon… L’affaire est conclue dès le déjeuner sur la terrasse de la piscine, entourée de verdure, avec une carte à l’esprit club, salade «comme une niçoise» – mesclun, thon, anchois, œuf dur et légumes crus de saison – ou linguine napolitains de Gragnano à la crème de truffe.
Le soir, on apprécie mieux encore cette table autoproclamée hors du temps, sa légèreté terre-mer et son inspiration grand sud. Tourte feuilletée aux courgettes violon et vieux Parmesan, foie gras de la Ferme du Pountoun, chutney de fruits rouges, thon de Méditerranée «façon Rossini», jus de viande truffé ou agneau des Adrets, épaule confite au romarin et côtes rôties avec une délicieuse purée, beurre au lait cru de la Fromagerie Beillevaire en Loire Atlantique.
Natacha, la chef pâtissière, conclut dans le même esprit avec la fraîcheur de fraises et espuma de roquette et un millefeuille d’arlette-crème vanille à la subtile déconstruction. Le service a la fibre maison, la clientèle est moins internationale qu’on ne le croit et des vençois découvrent même le Cantemerle comme s’ils partaient à l’aventure… en Provence.
258 chemin Cantemerle, Vence. Tél. 04 93 58 08 18. Carte midi env. 40/50 €, le soir 60/80 €. Fermé dim. soir et lundi.