“Rouvrir !”… les restaurants. La supplique du Collège Culinaire de France et le coup de gueule de Philippe Etchebest

Alerte de grande détresse, état de déstructuration avancée, établissements fermés, en danger de mort pour cause de lutte contre le coronavirus… A son tour, le secteur de l’hôtellerie-restauration lance des appels à l’aide. Il faut les entendre.

40% de restaurants pourraient ne pas rouvrir et 1 million d’emplois sont en jeu mais à l’heure d’un déconfinement annoncé pour mi-mai, les restaurateurs sont priés d’attendre en bout de file, mains ligotées et masque obligatoire. Un jour meilleur ? Au coeur de l’été ? Pour certains, autant dire condamnés.

La tribune adressée au Président de la République par dix-huit grands noms de la gastronomie réunis au sein du Collège Culinaire de France (1), dont Alain Ducasse, Arnaud Donckele et Christophe Bacquié comptent parmi les quinze fondateurs, officialise l’urgence d’abréger cette attente. Ces ténors appellent à un décret de déconfinement partiel – en juin ? – et réfléchissent à “un nouveau modèle économique, du bistrot de quartier à l’établissement étoilé, à une restauration plus citoyenne et à de nouvelles pratiques d’excellence en matière de santé alimentaire”. Il propose “cinq grands engagements que les restaurants citoyens, déconfinés au plus tôt, s’engagent à respecter”. Bienvenue dans un monde meilleur !

Autre ton. “Beaucoup de restaurants vont mettre la clé sous la porte. Cà va être une hécatombe !… Vous devez nous montrer la voie !” Le coup de gueule est signé Philippe Etchebest, le chef le plus médiatique de France. Etchebest est du gotha mais il sait parler cocottes et gratins. A l’heure du vrai cauchemar en cuisine, il faut du direct, du brutal, du sonore pour être entendu et la rock-star de M6 excelle dans l’exercice. On l’imagine dans “Les Tontons flingueurs” de Georges Lautner, donnant la réplique façon Marcel Audiard et promettant la raclée au virus. “Moi, les dingues, je les soigne. Je vais lui faire une ordonnance et une sévère… Aux quatre coins de Paris qu’on va le retrouver, éparpillé par petits bouts, façon puzzle. Moi, quand on m’en fait trop je correctionne plus, je dynamite, je disperse, je ventile!”

Mais l’affaire est sérieuse et entre le solo d’Etchebest et l’appel collectif du Collège Culinaire il n’y a pas de dissonance. L’un et l’autre servent la cause commune, où que l’on soit, Côte d’Azur y compris où bistronomie et gastronomie, luxe et artisanat, vont ensemble : sauver un secteur en voie de décapitation, de la petite entreprise – priorité absolue – à la haute couture. Le bateau coule et tous sont à bord, producteurs, restaurateurs, patrons et personnels. Savoirs-faire, lien social, proximité, chaleur humaine, excellences sont en péril.

Dans ce contexte fou, l’équilibre est sans doute impossible à trouver entre urgence sanitaire et sauvetage économique et nul ne détient de calendrier-miracle. Tant de priorités pour échapper à un seul tueur en série ! Mais le manifeste du Collège et la parole d’Etchebest ne doivent pas rester sans écho. Le mot confinement est de moins en moins audible. Avec mille garanties de sécurité et sans démagogie, seul commerce florissant, celui-ci s’impose. Rouvrir.

(1) Le Collège Culinaire représente 1800 restaurants sur 160.000 établissements mais s’est notamment donné pour mission de «promouvoir la qualité de la restauration en France et dans le monde et de participer au rayonnement de la culture et de l’économie gastronomique françaises».