Visiter un trois étoiles c’est pénétrer dans une maison aux vibrations particulières, ressentir son énergie, chercher ce qui la distingue d’une autre et la fait avancer. Tient-elle ses promesses, est-elle toujours de son temps ?… A l’Hôtel du Castellet, le restaurant de Christophe Bacquié, 3 étoiles depuis 2018 (1), garde son cap de technicité et d’émotion et réussit l’examen.
La salle aux grandes baies s’ouvre sur une nature impeccablement ordonnée, répond par l’épure à cet écran méditerranéen quand le menu mariant plats signatures – l’«aïoli moderne», le pigeonneau au sang cuit en pâte à sel épicée – et créations nouvelles résume une cuisine du sud forgée depuis douze ans dans la complicité avec ses producteurs. C’est son histoire, sincère, solide, concrète, née en Haute Corse dans le restaurant familial du village de Lumio et aujourd’hui magnifiée.
A la page des créations, j’ai aimé son «umami provençal», cinquième élément aux saveurs essentielles, emprunté au japonais : filet de thon rouge de pêche locale, bouillon tomaté infusé à la bonite maturée, pastèque grillée et tomate cerise confite, ventrêche de thon comme une charcuterie frottée aux aromates. La pureté même.
Puis le tableau rougeoyant du chou-fleur laqué au corail de homard, rôti dans un beurre mousseux, parfum de thym, ail et gingembre, mousseline au beurre noisette, copeaux de chou-fleur cru, gel d’orange et, «pour saucer», le jus de carcasse, vin rouge et fruits rouges, façon sauce civet !
Ou encore le rouget de roche et pesto de criste marine à déguster comme un condiment, raviole de rouget, mascarpone et poutargue, jus des arêtes torréfiées, lié de foie gras et foie de rouget, beurre noisette infusé à la sauge.
Un parcours éclatant qui n’interdit pas une visite à la cave à fromages dans leur écrin vitré et surtout pas les desserts à l’empathie gourmande de Loïc Colliau (la figue rôtie, myrtilles et glace au foin).
Parfois, une cuisine laisse à la traîne l’atmosphère et le service mais ici, sous la conduite de Sébastien Candusso, le timing en salle est tout en légèreté et attention. L’instant trois étoiles du Castellet redonne ainsi une sacrée confiance en la gastronomie, ambassade parfois jugée arrogante et lointaine mais qui a un bel avenir quand elle avance comme la cuisine de Christophe Bacquié, aiguisée, limpide, pas extraterrestre.
(1) On compte six chefs 3 étoiles entre Marseille et Menton dont les derniers en date dans ces mêmes villes, Alexandre Mazzia et Mauro Colagreco. La région a des talents !