Dans les Alpes-Maritimes, une frontière invisible avec le littoral complique la vie des restaurants du haut-pays, souvent limités à une fréquentation de fin de semaine. Les adresses de tradition s’en accommodent, celles qui créent au delà de cet horizon, beaucoup moins. A Pierlas, l’auberge communale résiste avec bonheur et courage. Le village vit à l’écart de la vallée du Cians, les derniers kilomètres aux lacets bien trempés sont déconseillés aux âmes sensibles mais au bout de la route cette table est une récompense.
Iman, native de Caen et Valentin le niçois, pas encore trentenaires, ont adopté l’auberge rénovée par la mairie, la terrasse ouvrant sur la montagne et ses chemins de rando. Ils se sont connus à La Ferme Saint Siméon à Honfleur où Valentin enchainait en cuisine après La Chèvre d’Or à Èze, ont mené la vie de Relais & Châteaux, fait escale au Brésil et depuis un an réveillent Lou Poumié. Ils sont de la génération du naturel, du circuit court, de la vérité du produit et cuisinent «simple et bon», c’est à dire l’essentiel.
Ainsi, en amuse-bouche, un velouté de topinambours, poire rôtie et pieds de mouton, puis un savoureux pâté en croûte et son escorte d’herbes et fleurs de montagne, le tendre gigot d’agneau et polenta crémeuse à l’huile d’olive niçoise ou les desserts d’Iman (elle fait aussi le pain) comme la fine tartelette cappuccino, pâte sablée au cacao, ganache au café et crème vanille. Légèreté, gourmandise, expression du produit, tout est cohérent dès la première bouchée, loin des facilités de terroir.
Une autre fois, vous gouterez le sauté de veau de la Ferme de Bouchanière, velouté de topinambour, poire rôtie et œuf poché, un suprême de volaille rôti et navets confits au thym de Pierlas, la truite du Cians grillée à la flamme, salade de fenouils et vinaigrette d’agrumes, la tartelette normande aux pommes, vanille et caramel ou un cheesecake à la brousse, citron et coulis de fruits rouges.
Le toucher culinaire est incontestable, l’accueil adorable et la sélection des produits conforte le message : volailles d’Éric et Martha («Terre de Toine» à Pierlas) qu’on retrouve dans quelques adresses de la Côte (Le Chantecler, Flaveur, La Flibuste, La Bastide Saint-Antoine…), agneaux de Loris Morato à Villeneuve d’Entraunes, légumes de Renaud et Agnès Papone à la Ferme Lavancia (Puget-Théniers), truites de la Pisciculture des Clues du Cians à Rigaud, fromages de chèvre d’Anaïs Faitot à Touët sur Var…
Devant tant d’engagement comment ne pas être solidaire de ces cœurs vaillants et de cette table «au bout de la route»? D’abord en réservant, cette élémentaire politesse. Et comme il n’est pas écrit qu’Iman et Valentin resteront éternellement aubergistes sur cette paisible montagne, un seul mot d’ordre : montez à Pierlas !
Lou Poumié, Pierlas. Tel. 09 71 72 59 65. Carte-menu env. 38/40 €. Dormir : 3 chambres et 2 gîtes. Fermé dim. soir et de lundi à mercredi.