L’an dernier encore on parlait de L’Hostellerie Bérard. Désormais on dit «Maison Bérard». L’expression porte moins le poid des ans et tout est dans ce détail : la renommée, le changement, l’avenir… Créée en 1969 par Danièle et René Bérard, dûment étoilée au Michelin et brevetée Provence, l’hostellerie a bien vécu. Elle poursuit sa route, dirigée aujourd’hui par Marie-Victoire Bérard, leur petite fille, aux côtés de leur fille Sandra et de son mari Bruno Caironi, compagnon de route aux multiples missions remplies pour Alain Ducasse, alors que Jean-François, le frère de Sandra, cuisine à La Bastide des Saveurs, le mas familial de la plaine de La Cadière (1).
L’aventure continue mais une page s’est tournée sur cette terre de vignobles aux armes du Bandol. Disons que çà swingue autrement et que le mot institution n’a plus vraiment cours. L’image, d’abord. Couleurs douces et joyeuses, ligne claire, art de la table ensoleillé… de l’accueil à la salle du restaurant rebaptisé Riva, un vent léger a emporté le décor et la gastronomie d’avant.
Le propos est celui d’une cuisine de trattoria limpide et savoureuse rappelant que l’Italie à table rassemble comme aucune autre thématique au monde. On le sait, la cucina povera régale, séduit, fait le spectacle et du bistrot au palace, trouve la solution quand tout a été essayé. A La Cadière, Bruno Caironi applique au coeur du village le répertoire italo-méditerranéen qu’il propose à Troyes dans son Caffè Cosi. C’est bien vu, mené avec rigueur et interprété par son chef Mathieu Gourreau, auprès de lui depuis vingt ans.
L’art des antipasti – jusqu’à sept – fuse et régale avec vue exclusive sur les vignobles du Castellet. Une focaccia à la ligurienne, vibrant façon pissaladière et olives taggiasche, l’artichaut et ses complices, pesto et pecorino, une pappa al pomodore toscane, le vitello tonato piémontais, la capunatina d’aubergines et œuf mollet, un houmous, sésame et pain pita, la fleur de courgette farcie et son pistou… Puis on bifurque vers d’autres territoires avec une courte carte d’intemporels déclinables en deux menus : délicieuse bisque bouille, l’agneau et polenta, gremolata pour le parfum citronné et jus de braisage, les gnocchis, truffe et taleggio lombard, enfin tiramisu, tarte au citron, baba au rhum… Riva ne dévie pas de sa ligne sudiste et multi terroirs : le produit, le goût, une cuisine «simple» et bonne, pour le plaisir et sans pression étoilée, du moins pour l’instant.
Dans une conjoncture que l’on sait compliquée, Maison Bérard relève ainsi le défi de réussir autrement que par une créativité flamboyante. L’accueil adorable et l’enthousiasme de Marie-Victoire, la conduite prudente de Sandra et Bruno, le service chaleureux, la cave aux trésors avec ses grands Bandol, l’hôtel aux maisons de village peu à peu rénovées, sans oublier le précieux spa… le grand rajeunissement est en route. «Avant», il y avait une excellente raison de venir à La Cadière d’Azur : découvrir l’Hostellerie et sa gastronomie étoilée. Aujourd’hui, bienvenue aux saveurs «à l’italienne » et au nouvel élan de Maison Bérard. En promettant bien sûr de retrouver, dans la plaine, Jef et sa cuisine-passion servie sous la tonnelle. Il y a donc Bérard d’en haut et Bérard d’en bas. La voie familiale ainsi engagée le nom de Bérard règne toujours à La Cadière.
(1) Lire par ailleurs mon article A «La Bastide des Saveurs», Jean-François Bérard toujours libre ! »
Maison Bérard & Spa (réseau Teritoria) 6 rue Gabriel Péri, La Cadière-d’Azur. Tel. 04 94 90 11 43. Choix d’antipasti, 3, 5 ou 7, à 36, 56 et 76 €. Menu déjeuner selon les formules, 32, 38 et 44 €, de mercredi à vendredi. Menu Découverte 68 €. Fermé lundi et mardi.