C’est l’hôtel par dessus les toits que n’importe quelle grande ville de tourisme rêverait d’avoir dans son livre d’images. Un hôtel inespéré, jadis couvent de la Visitation Sainte-Claire (1604), lieu de vie des sœurs Clarisses puis de l’ordre cloîtré des Visitandines. Longtemps fermé et laissé à l’abandon il dominait le Vieux Nice mais sombrait dans l’oubli…

Après un long purgatoire, dix ans de travaux et une conversion inédite, ce lieu adossé à la colline du Château fêtera fin juin sa première année d’hôtel cinq étoiles. Une renaissance majuscule avec 88 chambres et suites, un hectare de verdure et de sentiers méditerranéens, boulangerie, herboristerie, bibliothèque, jardins et restanques, thermes romains en sous-sol et pour seul ajout un bâtiment aux persiennes niçoises. Enfin trois restaurants, du gastronomique Couvent au Bistrot des Serruriers posté en sentinelle, hors les murs, et La Guinguette, ouvert à la belle saison sur une terrasse proche de la piscine.

Revivre sans renier le passé, offrir luxe et sérénité dans une époque fébrile, renouer le lien avec la cité… c’était le « deal » entre la Ville de Nice, propriétaire, et Valéry Grégo, fondateur du groupe britannique Perseus. Cet entrepreneur passionné a porté le projet, réussi la rénovation et gouverne désormais Le Couvent. A ses côtés, Myriam Kournaf Lambert qui avait conduit avec lui et l’architecte Jean-Michel Wilmotte la rénovation du Beau-Rivage puis dirigea le Montalembert, hôtel arts et lettres de Saint-Germain des Prés et présida la collection resorts de Francis Ford Coppola. Autant d’expériences et de rencontres précieuses pour partager cette nouvelle aventure dans sa ville de coeur.

Dans ce décor monacal mais sans austérité où il n’est plus question de rentrer dans les ordres, le temps a pris une autre saveur et la gastronomie a trouvé sa place. Elle est même priée de donner du plaisir sinon de faire voeu d’humilité.

Dans ce contexte, on aime l’engagement de Thomas Vételé, breton converti aux saveurs de Méditerranée. Ce malouin dont le parcours est jalonné de mentors (Christophe Raoux, Alain Ducasse, Philippe Labbé, Christophe Bacquié, Jacques Maximin…) connait la feuille de route: une cuisine sans bavardages ni effets de style, au plus près du produit et des proches terroirs.


Cette mission n’a pas convaincu certains clients passés à confesse sur les réseaux pour torpiller un rapport qualité-prix jugé décevant. Une gastronomie « pingre »? Le débat n’est pas nouveau sur la Côte d’Azur notamment et Le Couvent n’y échappe pas, mais déjeuner ou dîner dans le « cloître » ensoleillé comme dans la salle conventuelle mérite un peu plus d’attention.


Une entrée délicieuse mais succincte (le sandre fumé et artichaut cru) ajoutait un midi de l’eau au moulin des frondeurs, mais la suite était loin d’être une aumône. Crevettes et jus de tête à la saveur éclatante, finesse absolue de la truite du Cians en haut-pays niçois et légumes printaniers, tarte aux petits pois, volaille « Terre de Toine » d’Eric et Martha à Pierlas, cuisson légère, safran et asperge verte ou encore les desserts du pâtissier Florian Gaglio, ancien du Maybourne Riviera à Roquebrune Cap Martin et de Terre Blanche à Tourrettes (Var), dont un moelleux citron givré et un riz au lait émouvant et très « grand’mère » avec son caramel à l’orange.

L’engagement locavore, vanté en trop de lieux, n’est certes pas inédit mais Thomas Vételé veille à respecter cette ligne de conduite. On prie alors pour que les œufs de la Ferme Notre Dame (Touët sur Var) soient longtemps de l’aventure, on partage les formidables pains au levain vraiment maison (la boulangerie sous les arcades) ou une galette de socca, dentelle croustillante à détrôner les plus ensencées du cours Saleya. L’art du simple, si délicat.



Enfin cet hôtel qui offre calme et discrétion, espace et atmosphère, change d’un luxe Riviera parfois démonstratif et glamour à l’excès. Proche du Vieux Nice, dans et hors la ville qu’il surplombe, il accueille des voyageurs aux chics bagages mais sait ouvrir ses portes et inviter à sa découverte (le « marché » du samedi matin). Preuve qu’en hôtellerie, apporter une nouvelle vision du luxe, séduire et donner du sens ne signifie pas faire chambre à part.





Hôtel du Couvent, 1 rue Honoré Ugo. Tel. 04 12 05 55 60. hotelducouvent.com @hotelducouvent
Restaurant Le Couvent, env. 75/95 €. Formules 39 € à déj. Ouvert tlj. La Guinguette, ouvert tlj en été. Le Bistrot des Serruriers, 16 rue des Serruriers (Tel. 04 12 05 55 69.). Env. 35/45 €. Fermé lundi, mardi.
