J’ai une tendresse particulière pour cette table de village, à la fois moderne et aubergiste, gastronomique et conviviale. Avant de s’installer à Vence – qu’il vient de quitter – Christophe Dufau ouvrit ici son premier Bacchanales, signant une cuisine étoilée et ardente. En 2008, le vendéen Julien Bousseau, ancien de Michel Rostang et d’Hélène Darroze, apportait une inspiration contemporaine plus apaisée et Clovis, salle aux murs de pierre et toiles d’artistes, conservait son rang.
A la treizième année, devenue Bistrot gourmand Clovis et toujours blottie entre les pages du guide Michelin, l’adresse est inséparable de sa cave à vins attenante et suivie par une clientèle fidèle, séduite par sa constance et sa modernité.
Bistrot peut-être, gourmand sûrement, ce restaurant ne monte pas sur ses grands menus et joue, à l’ardoise, les produits du moment déclinés en entrée comme en plat. A la mi-septembre c’était l’heure terrienne des figues et girolles au chèvre des Courmettes, pâte feuilletée, bœuf charolais séché au beaujolais, et d’un risotto inédit et sans reproche aux figues et potimarron, balsamique et cacao. Le paleron de veau, purée de céleri au café, carottes, champignons, crumble aux noisettes et cèpes, annonçait avec légèreté le prochain automne et le dos de maigre se mariait avec la mini aubergine, tomates et courgettes à l’huile de basilic et noisettes fraîches.
On retrouvait enfin la fidélité aux fromages de la Ferme des Courmettes du chevrier-poète Bruno Gabelier, avant la douceur d’une tarte aux reine-claude et un délicieux sorbet pomme au four, safran de Cipières, gelée de cidre et croustillant de chocolat au lait.
Voilà une table qui a su se remettre en question, salle plus en lumière, terrasse sur la rue pavée, gastronomie de partage et non de confort. Julien a refait sa cuisine et a gagné un peu d’espace, et Léah, à l’accueil adorable, est devenue une vraie «dame du vin», puisant quelques pépites dans sa cave voisine (ce soir là, en Bourgogne Côte d’Or, le pinot noir de Jean-Marc Bouley). Produits, saisons, simplicité, créativité… c’est toujours le bel âge au coeur de Tourrettes.
21 Grand’rue. Tel. 04 93 58 87 04. Formules 40, 42, 54, 64 €. Menu dégustation 85 €. Ouvert tlj au dîner, sauf mardi et mercredi, ouvert dimanche au déjeuner.