Que l’on évoque la Côte d’Azur ou la Riviera, on est ici au cœur de l’histoire. Vue somptueuse sur la Méditerranée, falaise, terrasses, coins secrets, parcours de jardins et restanques, notes médiévales, le Château de la Chèvre d’Or s’impose à tout maître des cuisines.


Pour autant, la tyrannie y est supportable. Elie Mazot y régna vingt ans, suivi par Jean-Marc Delacourt, Philippe Labbé, Fabrice Vulin et Ronan Kervarrec, tous diplômés de grandes maisons. En 2016, Arnaud Faye, Meilleur Ouvrier de France, ancien de Loiseau, Roth, Marx et Westermann, apportait ses deux étoiles de l’Auberge du Jeu de Paume (Chantilly) à ce lieu grand seigneur dirigé par Thierry Naidu. Un quasi septennat plus tard, mêmes étoiles, même confiance chez cet auvergnat élégant et à haute stature qui cuisine avec clarté là où certains, frappés par le mal d’altitude, ont coupé les petits pois en quatre.


L’entrée de maquereau mariné puis brûlé, fenouil et poutargue, offre plaisir et droiture sans qu’on se sente obligé d’invoquer le «terroir revisité». La langoustine, déclinaison de cèpes et bouillon au thé fumé est pure et délicieuse, le céleri façon risotto, livèche et truffe noire, une malice terrienne, le loup, artichauts grillés au barbecue, beurre d’anchois, soupe de poissons est un grand plat comme le lapin, poulpe fumé, aubergine, herbes et jus aux girolles est signature.



Ayant suivi les bons conseils de Philippe Magne, chef-sommelier aux vingt-cinq ans de maison et de son second Mathieu Selier, proposant les champagnes Benoît Lahaye (Brut nature Blanc) et Dehours «Œil de Perdrix» extra brut Rosé, servis en préambule, et un excellent Chablis 2018 du Domaine Pattes Loup, on ne s’éloignera pas sans avoir goûté un dessert de Julien Dugourd, comme la figue crue et cuite rafraîchie au basilic ou le Vanilla Diorama, douceur vanillée, saveurs d’orange et croustillant d’un chocolat blanc, exclusivité composée autour de la vanille de Madagascar avec François Demachy, le parfumeur-créateur de la Maison Dior.


Ainsi va le talent d’Arnaud Faye (1), sans effets cosmétiques, au plus sûr du produit, ne surjouant pas la Méditerranée au prétexte que la salle aux baies panoramiques en offre le spectacle. Cette maîtrise, qu’on retrouve également à la terrasse des Remparts, second restaurant du Château, explique en partie une saison réussie au delà de toute espérance.

Gastronomie, gloire et beauté… La Chèvre d’Or séduit le monde et si elle n’est pas recommandée pour qui craint de dilapider ses revenus, rêver n’y est pas interdit, même à l’heure des remises en question et des aspirations nouvelles. Car le rêve, cette vertu Riviera, est indémodable.
Château de la Chèvre d’Or, Eze-Village. Tel. 04 92 10 66 66. Menus déjeuner, 3 plats 90 €, 5 plats 175 €. Dîner, menus 220 et 280 €. Le restaurant gastronomique est ouvert tlj, midi et soir. Ferm. annuelle le 31 octobre, réouverture le 1er avril 2022.
(1) Arnaud Faye créera fin octobre à Saint-Barthélémy, le nouveau concept de restauration du Christopher St Barth, intitulé Rivyera. Un lien culturel et culinaire entre Méditerranée et Caraïbes, des menus et cartes jusqu’à la mise en couleurs de la niçoise Aydée Otero, les senteurs signatures de Julie Quosentis (La Cadière d’Azur), l’art de la table d’Agnès Sandhal (Vallauris) ou les créations de la Verrerie de Biot.