Culture et indépendance, art et atmosphères, saveurs méditerranéennes, cocktails voyageurs, soirées live et tendre est la nuit… Après La Reine Jane, son hôtel des années 50 repensé sur le port de l’Ayguade, Le Marais, table ardente du bord de mer et Popolo, traiteur ou plutôt ambassade des saveurs d’Italie, Lilou, ouvert l’été dernier, est le nouveau défi hôtelier lancé cette fois en centre-ville par David Pirone, passionné de design et rassembleur de talents.
Longue silhouette de style néo classique, façade hausmanienne classée, repeinte à la chaux, blanc crème et ocre rose, ce nouveau venu sur la scène hyéroise, ex Hôtel des Étrangers (1890) puis Hôtel du Parc, est situé boulevard Pasteur. L’artère est sans charme, la circulation pressée et on passerait volontiers son chemin si Lilou n’était pas posté à un check point invisible, face au Cours Maintenon. Une fois dans la place, on découvre ce que doit être un hôtel stylé, à la fois le reflet de la cité, l’antidote et l’imaginaire, une écriture, un lieu romanesque, un paysage… Réservé à l’extérieur, éloquent à l’intérieur, Lilou mériterait d’être nommé hôtel inédit de l’année sur le front des Rivieras.
David Pirone a confié son identité au Studio Haddou-Dufourcq, architectes diplômés de l’École Camondo, vainqueurs en 2018 du Grand Prix Design Parade organisé par la Villa Noailles. Cet univers casse les codes du design, fuit le pastiche et joue d’une large palette de styles, de couleurs, de lumières. Avec quelques temps forts : la cheminée vintage années 1980, les canapés en rotin, rééditions de la designer italienne Gabriela Crespi, le comptoir du salon-bar en loupe de peuplier, la pergola au jardin luxuriant, prolongé par un couloir de nage à carreaux blancs conduisant à la piscine, illustré des fresques de l’artiste Jacques Merle. Peintures murales, photographies, sculptures, céramiques, mosaïques, tissus, broderies… vive ces talents, jeunes ou confirmés.
La thématique culinaire répond à ce décor inspiré, méditerranéenne, libre et réfléchie, évitant accent du terroir et redites provençales. C’est la feuille de route, évidente, proposée par Emmanuel Perrodin, consultant autoproclamé «nomade», venu de Marseille, sa ville de cœur. Elle est interprétée chaque année par un chef «en résidence», à l’image de la Villa Médicis romaine accueillant artistes et écrivains. Mon passage, mi novembre, coïncidait avec l’arrivée de Paul-Émile Merlin, qui a multiplié les expériences, notamment à Marseille à la Maison Geney, La Mercerie, Le Livingston… sans oublier Peron, sa première «école». Ma critique s’applique donc au moment où ce chef de 31 ans n’avait pas encore pris ses marques.
Ce premier dîner suivait en tous cas la voie tracée par Emmanuel Perrodin, défenseur d’une cuisine méditerranéenne sans frontières, jusqu’aux portes de l’Orient. Ainsi avec un tarama au pamplemousse hyérois et pane carasau sarde. Puis l’idée malicieuse de croquettes de bouillabaisse, soupe de roche et rouille, avant un chou fleur rôti à la levantine, tahini et grenade. Le pampanella (porc mariné) et petit pain à la vapeur, sauce Xo pour le pimenté marin, une sériole sauvage crue, pickles de cédrat et consommé coriandre, le tataki de thon en caponata d’hiver, écrasé de pommes de terre, ou encore une poire fondante au safran, sabayon à la vieille poire. Autant de plaisirs sur les routes du sud.
Emmanuel Perrodin applique ainsi à Lilou ce qu’il a apporté à Marseille, notamment au Relais 50. Le lien entre art et cuisine, le fondamental et l’éphémère. Il reste à ce restaurant lové près du salon-bar, à s’ouvrir plus encore et à fidéliser la clientèle locale autant que le voyageur lointain. Un menu déjeuner à prix sages y contribue désormais ainsi qu’un brunch dominical tout aussi raisonnable. Quant à la compagnie des vins, proposés à prix cavistes (plus de 200 références des terroirs de France, Espagne, Italie, Liban, Grèce, Maroc…), elle donne toute sa mesure dans l’espace aux jeux de miroirs, dédié aux dégustations et aux dîners privés.
Mais auparavant, une escale s’impose au bar peuplé de cocktails signatures, notamment Tel Aviv (arak El Massaya infusé au sésame, citron vert, thé menthe, sirop cannelle-sumac-sésame), Alexandrie (rhum Eminente claro infusé au safran, sirop laurier-piment, citron vert et bitter Aloro), Santorini (ouzo Arhontiko, aneth, citron vert, concombre, miel de thym et champagne) ou Hyères-Les-Palmiers (Vin rosé du domaine Les Fouques, basilic, fraises, Vérum soda bergamote). Une invitation aux voyages.
Dès son apparition, Lilou n’a pas échappé aux badineries locales, certains reprochant esthétisme et élitisme, un entre soi supposé à l’heure des cocktails et autres jalouseries. Il y a bien mieux à faire. Se réjouir par exemple de cette histoire nouvelle et de la résurrection d’un lieu en fin de vie en un hôtel contemporain élégant et raffiné ayant le goût de la fête. J’ai aimé qu’il ne soit pas seulement un «beau geste» et devienne un acteur dans l’histoire culturelle de Hyères où brille la Villa Noailles et sur une scène hôtelière varoise où les créations fortes sont plutôt rares. Du style, des suds, des saveurs… il est temps de découvrir l’hôtel Lilou, discret insoumis, artiste et séducteur.
Lilou, 7 Bd Pasteur, Hyères. Tél. : 04 43 86 04 50. Env. 50/80 €. Carte déjeuner 22 à 25 € (plat du jour 15 €). Brunch tous les dimanches midis à partir de 11h30. Buffet Méditérranéen 39 €. Dîners privés pour 12 personnes. Ouvert 7 jours sur 7. Fermé samedi midi. Hôtel Reine Jane, brunch de la mer 39 €.