Autrefois, quand l’enseignement du grec et du latin avait encore de l’importance, on était “fort en thème” ou “fort en version”. Quand il entend ce dernier mot, le marseillais Ludovic Turac sort une recette à sa manière, le plus souvent un hommage aux plats du patrimoine provençal comme la bouillabaisse et l’aïoli.
A 29 ans, ce jeune étoilé – un macaron depuis 2015 – en a presque fait sa marque. Marseille n’a pas attendu Nice pour explorer les voies culinaires d’aujourd’hui et en 2013, quand elle est devenue Capitale Européenne de la Culture, a offert une accélération bienvenue aux jeunes talents. Ce fut l’année où, avec son épouse Karine, Ludovic reprit Une Table, au Sud de Lionel Levy, devenu chef de l’Intercontinental-Hôtel Dieu. Le second passait premier à cet étage discret, sans terrasse mais salon élégant avec vue sur le Vieux-Port (1).
Aujourd’hui, le “minot”, formé chez Guy Savoy, au Bristol et à l’Hôtel du Castellet, candidat de Top Chef 2011 – où il échoua à l’épreuve de la sole meunière ! – compte sur l’échiquier marseillais.
Il y a la charte de la bouillabaisse , les inconditionnels de ses temples (le Miramar voisin, par exemple) et des restos improbables, aventuriers de la “bouille” perdue, aux marmites tous poissons. Ludovic Turac ajoute sa “bouille-abaisse”, restylisée pour ne pas dire revisitée. Rien n’est sacrilège, les saveurs sont intactes mais le déstructuré de ce plat de pêcheurs qui est le brouillon même pourrait laisser froid. J’aime au contraire cette interprétation des recettes sacrées dont ce chef créatif et malicieux ne se prive pas.
Son aïoli façon pirogue multicolore, focaccia à l’huile d’olive, légumes à cru et morue en brandade aux zestes d’agrumes, est plus expressif encore. Turac est joueur, il cherche le cru, le croquant, la texture. Il décale, juxtapose retouche un hors-d’oeuvre marseillais ou la tarte au citron (elle en a vu d’autres !) version citron-feuille aux cubes serrés sur pâte sablée, mousse, meringue.. Un carré de soleil.
Il est aussi “légumier”, pile dans la saison, ainsi, en mai, la tartelette de poireaux de plein champ, oignon en aigre-doux et lait de curry, l’asperge verte fondante (de Sylvain Erhardt), citron confit et velouté anisé, ou la daurade et condiment d’une ratatouille, parfum de bergamote.
Voilà comment cette table étoilée, soignée et bien conduite (Karine est sommelière et directrice de salle), où le chef n’est jamais en panne d’idées (ses “Ateliers” gastronomie, ses “Picnics” pour les enfants), vous dit “Bonne Mère”. Ou plutôt “Bonne Mer”. Et là, tout Marseille comprend !
(1) Se loger : à deux pas, à l’Hôtel de la Résidence,18 Quai du Port. Atmosphère vintage et art contemporain, excellent accueil et bonne table à suivre (Le Relais 50, chef Noël Baudrand).
Infos pratiques
- Adresse : 2 quai du port, 13002 Marseille
- Tél : 04 91 90 63 53
- Site : www.unetableausud.com
- Menu : Menus 36€ à déjeuner. de mardi à vendredi. Menus 58, 72, 98 et 135 €
- Fermeture : Fermé dim. soir