J’avoue ne pas être un admirateur forcené de la sushimania, du moins dans sa version vaste food qui nourrit à la chaîne et apaise les faims express, loin de la diversité et du raffinement des cuisines du Japon. Alors, quand on tient une adresse qui tire vers le haut, appelle à la découverte et concilie tradition et modernité, on ne la lâche plus. A Nice, Onaka joue cette partition. Ouvert en juillet par deux trentenaires, Alexis Luong et Alex Couvidat, ce restaurant façon coin caché, passage Masséna, rassemble avec succès amateurs et béotiens de toutes générations.
L’an dernier, Alexis était chef du restaurant japonais Itoko à Castries, près de Montpellier, quand il a remporté le titre de champion de France du sushi au Japan Food Show de Paris. Désormais à Nice, il prépare le championnat du monde qui se tiendra à Tokyo en janvier mais a une priorité : réussir Onaka (1). Au terme d’un long apprentissage il est devenu sushiman à Courchevel, est entré au Nobu Monaco, à celui de Londres, au Matsuhisa de l’hôtel Royal Monceau à Paris et a suivi l’enseignement d’un maître sushi japonais. Alex a travaillé au Nobu londonien, en Floride, en France, en Australie (Melbourne), au Cambodge, et a une formation de sommelier de saké, reconnue au Japon. Le premier en cuisine, le second en salle, se sont rencontrés à Monaco et se sont associés pour créer leur restaurant à Nice.
Terrasse en devanture, salle aux panneaux paysagés, parois aux lamelles de bois exotique, long comptoir surmonté par une vitrine opaque (dommage pour le jeu de la proximité)… cette jeune adresse fait feu de tous bentos. Ceux portant sushis et sashimis sont épatants d’équilibre avec tempuras de légumes et crevettes, sashimis salade thon, california saumon-avocat, nigiris thon et saumon.
Mieux encore, les sashimis «signature» snackés, sauce soja yuzu ou sauce jalapeno. Je n’ai pas trouvé le temps pour apprécier les gyozas, raviolis frits d’un côté et cuits vapeur de l’autre, mais j’ai gardé une place pour un chou crémeux au yuzu, à la rondeur généreuse et aux saveurs d’agrumes.
Onaka se présente comme un izakaia de belle facture, l’équivalent japonais du bar à tapas où on se réunit entre amis pour apprécier les sushis et déguster des sakés. Il faut suivre le guide, Alex, qui invite cet art subtil et propose sans cérémonial une douzaine de sakés frais ou chauds, puissants, vifs ou suaves, parfois porteurs d’une certaine mélancolie comme l’est, en musique, le fado portugais.
Un déjeuner passage Masséna ne donne qu’un aperçu de la créativité qu’Alexis Luong y met peu à peu en place, notamment avec le menu omakase («selon l’humeur du chef»), version plus décontractée du kaiseki, repas festif par excellence au Japon. Il travaille la ventrèche de thon, l’oursin, l’hamachi, poisson blanc apprécié au Japon, revisite la salade niçoise façon sushi à base d’anchois frais, thon et radis et cuisine une aubergine sauce miso qui lui a permis de remporter l’épreuve végétale du championnat de France.
Ce passionné qui avoue ne s’être jamais rendu au Japon mais connait le pouvoir de conquête de la cuisine nippone et la patience des itamae, maîtres japonais du sushi, a fixé sa feuille de route. «Une fois l’équipe au complet, je proposerai un menu qui respecte cette identité culinaire tout en ouvrant sur d’autres saveurs du monde, notamment méditerranéennes ou d’Amérique Latine». Onaka vient à peine de décoller et séduit par son engagement et son pari de modernité. A chacun de se laisser emporter par cette approche d’une gastronomie qui apaise et percute, s’adapte et se renouvelle et bonne chance sur la route des sushis !
(1) Onaka signifie ventre en japonais.
Onaka, 12 passage Masséna. Tel. 09 52 97 26 83 et 06 20 05 69 68. A midi, bentos 15,90 €. Moriawase Sashimi 19,50 € (11 pièces). Le soir, menu Découverte 39 €, menu Omakase composé par le chef 50/60 €. Service traiteur. Fermé dimanche et lundi. Onaka.restaurant@gmail.com