C’était La Truffe, la bonne table bien nommée, tenue pendant treize ans au cœur du village par Nadine et Sebastian Gaillard. Depuis l’été dernier, Valentine Lorcher et Adrien Antelme ont repris l’affaire, changé l’enseigne et donné un coup de fraîcheur aux deux salles habillées de vert tendre et de bois clair, dont la seconde, aux parois vitrées, ouvre sur les cuisines. Une autre histoire a commencé.

La sobre modernité du décor ne dit pas tout bien sûr mais répond à la créativité de ce jeune couple désormais dans leur maison, au terme d’un joli parcours : l’École Ferrandi (Valentine), Emmanuel Renaut, Georges Blanc, Michel Sarran puis leurs années, ensemble, à l’Hôtel du Castellet, aux côtés de Christophe Bacquié et de Fabien Ferré.


De la grande aventure trois étoiles à un engagement personnel dont on connait les joies et les risques, il y a une révolution de palais que beaucoup «d’anciens de» peinent à maîtriser. Aux abords de leurs vingt-cinq ans, Valentine la toulousaine et Adrien le lyonnais réussissent une cuisine épatante de sobriété et de précision sans donner de leçon ou mettre le feu au village. Seuls en cuisine, si on ose dire, apportant un plat pour seconder Bryan, parfait au service et conseillant quelques valeurs sûres en Côtes de Provence (Clos de l’Ours, Castell-Reynoard), Corse ( Clos Venturi) ou Alpilles (Domaine Fontchene), leur énergie fait plaisir à voir.


A Aups, estampillée de longue date capitale de la truffe noire, on est au meilleur de sa saison. Leur menu dédié la respecte sans abus de terroir. Une entrée, un plat (filet de bœuf sauce Périgueux et purée truffée), le fromage «travaillé» (un Brie de Meaux truffé), un dessert et on part le cœur léger. Les mêmes plats se glissent sur la carte sans longueurs. L’un est en bonne compagnie d’un bouillon de poule, un autre est truffé sans violence. On a l’impression qu’ils ne veulent pas déranger, gourmands, lisibles, certains aux rondeurs savoureuses (le chou vert farci aux légumes fondants, bouillon parfumé aux épices douces), tous valorisant le meilleur produit.

A ce jeu, j’ai retenu mes préférés. La pomme de terre, lard fumé, oignons confits et émulsion au Comté. Ce n’est pas une entrée, c’est un péché, de gourmandise bien sûr. Les Saint-Jacques rôties, navets, lit d’épinards, émulsion au vin jaune, sont un savoureux accord terre-océan. Enfin l’instant du dessert, le territoire d’Adrien. Pas mal son chocolat croquant-fondant, glace pralinée et… truffe d’Aups mais j’ai craqué pour le soufflé au miel de lavande, pollen et glace à la cire. Il pourrait marcher sur l’eau, légérissime, au parfum de Provence souligné par un rhum de la Maison Ferroni, adresse historique d’Aubagne aux quarante spiritueux (1).

La terrasse sur la rue principale vous accueillera aux vrais beaux jours mais il ne faut pas attendre une autre saison pour découvrir le talent sérieux de Valentine et Adrien. Sans oublier ce détail. Aucun «petit menu» d’approche, midi ou soir, n’est proposé, seule la carte défend, sans excès d’addition, cette gastronomie ensoleillée. C’est courageux mais a le mérite d’être clair.

(1) 44 impasse de la Badiane, Aubagne (tel. 06 23 34 35 63).
Solea, 12 rue Maréchal Foch. Tel. 04 94 67 02 41. Ouvert à dîner du mercredi au dimanche et au déjeuner jeudi, samedi et dimanche. Fermé lundi, mardi. Menu spécial truffes 65€. Carte env. 40/60 €.