Les amateurs de bonnes tables ayant longue mémoire se souviennent du Lingousto d’Alain Ryon. Plus jeune étoilé de France à Solliès-Toucas, il avait transporté en 1988 son enseigne dans la plaine de Cuers. Belle cuisine d’un bressan (1) formé chez Georges Blanc et Roger Vergé et adresse d’évasion pour l’aire toulonnaise. De l’eau a coulé – pas cette année – dans le Mieje Pan, le ruisseau voisin et Frédérique et Rocco Briglia, qui avaient repris cette “campagne” gourmande, l’ont transformée en séduisant hôtel-bastide aux quinze chambres – bientôt vingt – en gardant toujours le cap de la gastronomie.
L’environnement est vignobles et collines, le potager bio est tout un monde et la terrasse charpentée défie les saisons. L’intérieur est atypique, théâtral. Très Rocco. En onze ans, cet italien de la Basilicate qui a travaillé au Savoy à Londres, au Ritz à Venise et a ouvert des restaurants à Hyères (au Yacht Club avec Alain Ryon) et Paris, a métamorphosé le lieu.
Grande salle vitrée, tons gris-argent, toiles, sculptures, chandeliers… jusqu’aux effets spéciaux, du canapé rose Marilyn, au salon de vins en sous-sol ou à l’insolite pont japonais qui enjambe le ruisseau.
Au théâtre ce soir, qui vient cuisiner ? Depuis six mois, Gilles Escaffre, toulousain à la solide carrure et au palmarès sérieux – Robuchon, Gagnaire (au Fouquet’s Paris), Ducasse (au Louis XV) – apporte assise culinaire, respect du produit et comme la passion de Rocco Briglia est son potager érudit, droit sur légumes et aromates !
Les petites tomates, panna cotta à la burrata, pesto basilic et émulsion vieux rhum, le pavé de turbot meunière, textures de carottes sauce champagne et safran, ou la pêche et nectarine, espuma verveine (Stéphane Magrin, chef pâtissier) traduisaient, cet été, sa cuisine sans dissonances, ni food, ni slow, sur le détail, un peu pointilliste parfois.
Elle ressemble à ce chef au large registre qui soigne à l’égal un opéra de foie gras mi-cuit, gelée de vin rouge, cannelle et raisin muscat, l’«œuf parfait» (bio), crémeux de châtaignes de Collobrières, jambon Iberico et tartine de brousse ou le pigeonneau rôti, asperges et petits pois. Romain Courant, venu de l’Hôtel du Castellet, devrait redonner de l’allant au service, M. Briglia étoffe sa cave, déjà ouverte aux cuvées de la famille Fayard (La Londe-les-Maures) ou au Château Bastidière, premier voisin du Mas… Belle “campagne”, bon accueil et belle époque à suivre.
(1) Il tient aujourd’hui Le Bistr’Eau Ryon, plage Saint-Clair au Lavandou.
Infos pratiques
- Adresse : Mas du Lingousto, 934 av. Henri-et-Eugénie-Majastre, Cuers
- Tél : 04 94 28 69 10
- Site : www.lingousto.fr
- Menu : Menus 49, 74 et 87 €
- Carte : Env. 40/60 €
- Chambre : 15 c. à part. de 110 €
- Fermeture : Ferm. dim. soir et lun. jusqu’à fin mars