Il y a des rues qui restaurent plus que d’autres. A Nice, la rue Dalpozzo est de cette catégorie, du moins dans sa première partie. Dans cette courte collection, le numéro 3 a vécu plusieurs vies. On y a connu La Cave de l’Origine, resto-épicerie bon enfant à l’atmosphère de salle de classe, Coco & Rico, de bonne bistronomie, enfin Zorzetto, l’excellent bistro-gastro de Maryan Gandon, ex chef de palaces à la barbe de Père Noël, venu du Majestic à Cannes.
La dernière aventure ne manque pas de panache. Ouvert depuis la mi-février à deux pas de la rue d’Antibes, L’Antidote joue sur deux tableaux, les cocktails et la gastronomie. C’est le côté hybride et funambule de cette affaire familiale créée par Manal Fakhreddine et ses frères Walid et Karim, d’origine libanaise.
A Nice depuis six ans, après avoir travaillé dans des palaces, notamment au Grand Hôtel du Cap Ferrat, Manal a imaginé un concept de bistrot chic-bar à cocktails, à ma connaissance inédit à Nice. Walid, l’un des meilleurs pros de la planète mixomaniaque, qui a ouvert notamment des bars à Beyrouth et en Egypte, a conçu le grand format posté près de l’entrée.
Mais d’abord, la table ! J’ai aimé l’esprit et les saveurs de cette cuisine multiculturelle partie, midi et soir, à l’abordage de la rue Dalpozzo et de Nice bien sûr. Marta Alemany, cheffe d’origine catalane, en est l’auteur. Elle a travaillé pendant dix ans auprès d’Alain Llorca à La Colle-sur-Loup et a appris à ses côtés ce qu’est une gastronomie sérieuse et conviviale. Riche de cette expérience autant que de ses souvenirs de cuisine familiale, elle apporte ce précieux bagage à L’Antidote.
On partage des croquetas de chèvre, les piments galiciens de Padron, sauce romesco ; des Patatas Bravas, classiques des bouchées madrilènes, sauce tomate épicée et aioli maison ; les épinards et saumon gravlax, gelée de ponzu à base de jus d’agrumes ou un Katsu Sando, sandwich japonais au porc pané. C’est bien parti pour un tour de manège aux saveurs croisées.
Même si elle est encore à la recherche d’une identité culinaire plus affirmée et si on se garde de la dénomination «cuisine internationale», peu flatteuse, l’ouverture et la diversité sont les atouts de cette adresse. Halloumi grillé – fromage historique (époque byzantine) de l’île de Chypre – salade de chou frisé, agrumes, pistaches et herbes fines, régalent en entrées. Puis viennent les lentes cuissons. Celle d’une joue de bœuf confite Rossini, gnocchis de pomme de terre et carottes. Une épatante épaule d’agneau confite douze heures, laquée à la soubressade et au miel, épices Zaatar et légumes oubliés. Le poulet farci à la ratatouille, oignons grelots flambés au Porto, écrasée de pomme de terre, ou un filet de cabillaud, sauce pommes cidre, courgettes à la Niçoise, gelée de poivrons et noisettes torréfiées. Enfinlacrème brulée à la fleur d’oranger ; un cheesecake au citron vert et fruits rouges et le brownie au chocolat et noix de Pécan, coeur au caramel beurre salé. A l’écart de toute bistronomie, déjà bien pourvue, L’Antidote réussit son entrée sur la scène niçoise.
Accueil adorable, cuisine généreuse, l’adresse joue enfin la carte des cocktails. C’est sa botte secrète, signée Walid. Même si la ville se met peu à peu à l’heure d’une mixologie décomplexée, notamment à l’hôtel Amour, ou à l’incontournable Babel Babel, L’Antidote parie sur une cohabitation festive entre la table et le bar plutôt réussie.
Au delà des classiques mojito et autre caïpirinha, Walid a créé des accords subtils avec légumes, fruits, graines ou épices… Il les appelle ses «remèdes». Ces breuvages artisanaux ne sont pas délivrés sur ordonnance aux soufreteux de passage mais servis au fameux comptoir, premier à dégainer derrière la vitrine du restaurant. Kiwi Cobbler (vodka, cacao blanc, kiwi, genièvre et céleri-rave); L’autre Smash (gin, baies roses, basilic, pomelo, agave) ; Genièvre et céleri-rave (gin, cordial de Calendula et aqua-menthe, essence de céleri) ; Penicillin (scotch, gingembre, citron, miel & fumée) ; Yasmine (thé à la violette, champagne, bergamote)… les cocktails atterrissent et décollent du porte-avions, destination no stress, la collection à boire ou à manger s’étoffe au fil des jours et L’Antidote n’attend plus que vous.
L’Antidote, 3 rue Dalpozzo, Nice. Tel. 04 89 00 68 06 et 06 13 05 81 31. Fermé dimanche et lundi. Menus 25 et 29 € et «petite carte» à déjeuner (entrées 12 à 16 euros, plats 26 à 29 euros, desserts 11 €). Plats de partage 11 à 18 €. Cocktails 14/18 €.
2 comments
On a envie d’y retourner
Une belle expérience avec toutes ces saveurs venues d’ailleurs
On commence par un accueil chaleureux et souriant.
On poursuit par un cocktail original et raffiné.
Viens ensuite une cuisine inspirée.
Que demander de plus?