Toulon. « Le Petit Instant » de Fabrice Giraud: du cousu main.

Dans le quartier du Mourillon, Le Petit Instant de Fabrice Giraud s’est glissé dans le peloton des bonnes tables. Savoureux et chaleureux.

Un instant çà n’est pas un siècle, çà vous laisse à peine le temps de lire une carte de restaurant. Alors un petit instant !.. Mais ce n’est pas parce que l’enseigne appelle à la brièveté qu’il faut snober l’adresse. Au cœur du Mourillon, ce quartier-village où nichent quelques tables bien disposées (vous avez les mêmes ? Le Local, Tables et Comptoir…), Fabrice Giraud a posé ses couteaux, sa silhouette d’aubergiste et sa barbe fleurie. Un vrai toulonnais du quartier de la Loubière, lui aussi expert en rues pentues. Cà doit être çà le secret d’une cuisine de bonne humeur ! 

Ceux qui ont connu «L’Instant Culinaire», qu’il a tenu cinq ans à La Farlède, ont vite retrouvé ce bourlingueur aux multiples escales (Etats-Unis, Thaïlande, Ecosse, Saint-Barthélémy… et l’aire toulonnaise, de L’Amuse-Bouche à Toulon, au Bard’Ô, plage de Portissol à Sanary). Sa profession de foi est sans frontières («In food we trust !») mais quand il parle du produit, d’un plat, du vin, de la saison, on dirait qu’il n’a jamais quitté son trottoir natal.

On s’attend à un répertoire de bistrot sudiste mais la carte a un autre panache. Si on retrouvait, un midi de février, le millième œuf parfait, plat rengaine qui envoûte des bataillons de restaurateurs, le sien régalait juste, à l’instant T et à 63 °, crème de champignons, jus corsé et truffe noire. La terrine de foie gras de canard, truffe et poires confites devançait allègrement des noix de saint-jacques juste saisies, avec variation de chou-fleur – couleurs et textures – chorizo croustillant, pousses de salicorne et crème à l’huile de truffe, enfin une déclinaison de clémentines (Corse), craquante et douce, au crumble de petits beurres et ganache montée. C’était fin, soigné, bon vivant, écrit serré sur l’ardoise de rue, façon art de l’instant.

La cave, sans rallonges inutiles, est de même esprit, judicieuse en Provence (Château Hermitage Saint-Martin, Domaine Tempier cuvée Cabassaou, Gavoty, Les Sarrins…), attentive à d’autres terroirs («Pur», fin viognier languedocien de la Maison Guyot) et à de hautes cuvées en Bourgogne et Vallée du Rhône.

Voilà une gastronomie qui séduit sans ramener sa science, laissant à l’ardoise du jour le soin d’inviter simplement un aïoli de pomme de terre, poulpe croustillant et petits légumes ou une plancha de boeuf Wagyu. Cette cuisine cousue main, Fabrice Giraud la sert lui-même, avec faconde, au comptoir ou sur les tables de bois clair. On n’a alors qu’une envie : savourer et prendre son temps.