Bormes-les-Mimosas. « La Rastègue »: Jérôme Masson ou l’esprit artisan.

Entre village et littoral, La Rastègue est étoilée et Jérôme Masson est son discret artisan. Bon accueil, bonne table !

Ah, la vie d’étoilé ! Coeurs fragiles s’abstenir. Le ciel est clair mais la route est longue et scruter chaque année la voie lactée Michelin pour savoir si son étoile brille encore ou est en voie d’extinction peut donner quelques cauchemars. Je pensais à l’angoisse du cuisinier, le soir au coin des fourneaux, en quittant La Rastègue (1) de Jérôme Masson, maison douce posée à mi-colline en montant vers Bormes-les-Mimosas. 

Voilà un étoilé (depuis 2010) qui n’encombre pas la scène médiatique et ne traîne sa toque dans aucune mondanité. Simplement, il cuisine, et de belle manière. Il y a seize ans, avec Patricia son épouse, il reprenait la pizzeria de son père, meublée Kronenbourg, chaises et tables, jusqu’aux parasols rouges. Il chamboulait tout et tentait l’aventure avec fourneaux rutilants dès l’entrée, déco sobre et provençale, terrasse sur Méditerranée (doublée depuis) et claire gastronomie.

Aux premières saisons, je découvrais la cuisine d’un amoureux du produit, épatante de précision, de la brochette d’escargots petits gris, mesclun, crème d’oignons doux et parmesan, aux filets de rougets et seiche sautés et bouillon de favouilles (petits crabes).

Depuis, rien de fondamental n’a changé. Passé au restaurant Albert Ier à Chamonix, au Club de Cavalière et aux côtés de Thierry Tiercelin à La Villa Belrose à Gassin, Jérôme Masson reste cet artisan discret, soucieux du produit et d’un strict savoir-faire. Qu’importe la prochaine récolte Michelin, cette table est, pour un large fan club et à raison, une adresse de confiance. Saint-pierre et rouget, hoummous, sauce vierge, magret de canard rôti, jus au thym, petit épeautre et légumes du moment, la coupe fraîcheur – glace au combawa, compotée de fruits rouges et mousse citron – ou le nougat glacé au confit d’agrumes, sans oublier les fromages de Nicolas Got (quartier du Mourillon, à Toulon) et le rosé provençal Domaine du Loup Bleu «Vol de Nuit», j’ai retrouvé, mi-septembre, la même légèreté et le même soigné.

Simplement, Patricia et Jérôme n’ouvrent que le soir (et dimanche à déjeuner) et ont réduit l’offre à un seul menu, avec une variante «tout poisson» qui demande une explication de texte ou une solide plaidoirie . Partisans de cartes à rallonge s’abstenir. Mais à cette table accueillante et censée, pourquoi faire long si l’émotion est intacte ?

1. Anémone de mer, verte (et comestible!), en provençal.